Nancy Haynes

Née en 1947, à Waterbury, Connecticut, USA
Vit et travaille à New York, NY, USA

Nancy Haynes est une artiste vivant et travaillant à New York. Née en 1947 à Waterbury, dans le Connecticut, elle partage son temps entre NYC et la vallée de Huerfano dans le Colorado. Haynes est une artiste conceptuelle. Parmi les artistes qui l'ont influencée, elle cite Marcel Duchamp, Mondrian, Dan Flavin, On Kawara et Ad Reinhardt, mais, comme l'a fait remarquer Marjorie Welish dans son essai Nancy Haynes, A Literature of Silence, Haynes tire également son inspiration de la littérature.
« Nancy Haynes a produit une série de monotypes stupéfiants inspirés du travail de Samuel Beckett », explique Welish. « Ceux qui connaissent les œuvres de Haynes ne seront pas étonnés d'apprendre que l'artiste voue une admiration de longue date pour l'écrivain irlandais. Elle est esthétiquement en accord avec l'hypothèse de Beckett concernant la « divine aphasie » (la perte de la capacité à communiquer), ce qui est en soi incompatible avec l'école du marquage (That Which Memory Cannot Locate, 1991-1992). De toute évidence, elle admire chaque élan insufflé par « l'insuffisance du langage » dénoncée par Heidegger, même lorsqu'ils sont exprimés dans d'autres formes d'art que le sien (par exemple, l'hommage de Robert Ryman au texte de Beckett, Mal vu mal dit, avec son illustration où l'on distingue à peine les lettres « th »). Consciente de la névrose cosmique de Vladimir et Estragon, elle mène ses propres incursions dans un bégaiement élégant sur le plan visuel. »
Ses derniers tableaux montrent « l'évolution d'une nuance plus pâle d'un pigment donné vers une nuance plus foncée, créant ainsi un mouvement horizontal qui attire l'œil vers une source lumineuse invisible ».
Parmi ses œuvres les plus notables figurent également sa série de nuanciers autobiographiques (2005-2013), qui se composent de carrés de couleur alignés en rangées et en colonnes censées constituer une autobiographie de l'artiste.


Collections publiques

The Metropolitan Museum of Art, New York, NY
The Museum of Modern Art, New York, NY
The Whitney Museum of American Art, New York, NY
The Brooklyn Museum, Brooklyn, NY
Haags Gemeentemuseum, The Hague, Holland
The National Gallery of Art, Washington, D.C.
The Museum of Fine Arts, Houston, TX
The Fogg Art Museum, Harvard University, Cambridge, MA
The Albertina Museum, Vienna, Austria
Yale Museum of Art, New Haven, CT

These Paintings Oil on Linen

Je n'irais pas jusqu'à décrire la pratique de Nancy Haynes comme une « forme de prière », mais je peux comprendre pourquoi Ken Johnson utilise cette métaphore. Haynes a toujours réussi à nous étonner de par la manière dont elle réalise ses tableaux, mais ses dernières œuvres affichent de manière plus intense encore le genre de profondeur et de mouvement qu'elle travaille depuis si longtemps. La surface est plus délicate, sa relation - ou plus exactement, son absence active de relation - avec le support plus subtile.
Chaque peinture de cette série présente un mouvement généralement horizontal, qui survient en plusieurs étapes, mais qui, dans tous les cas, évolue du plus clair à gauche au plus foncé à droite. En haut et en bas, des choses se passent qui nuancent ce mouvement. Des changements dans la couleur et dans la surface viennent altérer la manière dont nous percevons l'espace et le mouvement. Alors que la majeure partie de la toile se compose de fines couches de peinture appliquées avec un pinceau en caoutchouc mousse, Haynes utilise un minuscule pinceau à aquarelle pour réaliser les marques ou les ruptures en haut et en bas du tableau. Aucun mouvement brusque n'est visible, mais certains effets semblent émerger ou apparaître soudainement.
En 1988, j'avais dit à propos d'une de ses peintures que les espaces sombres semblaient plus proches que les espaces clairs et qu'il était dès lors très difficile d'estimer la distance relative entre le sombre et le moins sombre, car il s'agissait d'une relation entre différents degrés d'enveloppement. Il n'existe pas de distance directement descriptible. Ce serait comme dire que telle partie du ciel est plus proche que telle autre. Tout commence au niveau de l'œil - la principale porte d'entrée par laquelle l'extérieur pénètre dans notre intérieur - et continue à partir de là. Nous observons et tout « disparaît dans la peinture », selon les termes utilisés par Haynes lorsque nous nous sommes rencontrés pour parler de ces nouveaux tableaux. Qu'est-ce qui disparaît dans la peinture ? Le spectateur lui-même, je pense. Son intériorité vous emporte dès le moment où vous posez les yeux dessus.
La peinture dont je parlais dans mon essai de 1988 était mate et poreuse. Le fini mat contribue à établir une continuité entre l'intérieur de l'œuvre et le monde, car il n'existe aucun reflet permettant de distinguer l'extrémité de l'intérieur - ou l'extrême limite de l'extérieur, où se trouvent le spectateur et le mur. Réalisés à partir de peinture à l'huile, les nouveaux tableaux se comportent et sont donc perçus de manière très différente. L'éclat qui émane du matériau est pratiquement la première chose qui saute aux yeux. Je dis « pratiquement », car il est probable que votre attention sera d'abord attirée par la présence d'un mouvement. Il peut être important de souligner ici que le visuel repose sur l'affect spectaculaire inconscient plutôt que sur la reconnaissance. Ce qui veut dire que la vision se compose, non pas de votre conscience de ce que quelque chose est censé représenter, mais de ce que vous ne pouvez pas vous empêcher de voir. Dire que vous ne pouvez pas voir de profondeur ou de mouvement dans la peinture - parce que vous n'êtes pas l'esclave d'une illusion, mais un bon matérialiste, pour ne pas dire esclave du littéralisme -, c'est comme nier qu'un roseau à moitié submergé a l'air courbé. Il s'agit d'une attitude fréquemment rencontrée chez les personnes qui détestent la peinture, en particulier celles qui enseignent. Mais la vérité, c'est qu'il est impossible de ne pas voir ces choses, même si elles ne sont pas réelles. Vous voyez le mouvement parce que vous êtes incapable, tout du moins temporairement, de ne pas voir de profondeur dans la surface peinte.
Rien ne peut se mouvoir sans espace. Pour vous mouvoir sur une surface, vous devez évoluer dans l'espace qui lui est contigu : la planéité ne possède pas d'intérieur. C'est la réalité à laquelle tous les peintres sont confrontés, en tout cas au début. Comme le soulignait Cézanne en disant que personne ne pouvait imposer de profondeur sur une peinture, le fond blanc plâtré possède déjà sa propre perspective. Le peintre ne part certainement pas de rien. Matisse adorait les arabesques, car il est impossible de ne pas y voir de mouvement - deux « s » juxtaposés ne peuvent pas être perçus comme immobiles. Il ne s'agit pas de signes placés sur une surface en attente d'une interprétation.

Haynes utilise de la peinture de qualité, appliquée de façon parcimonieuse, mais pas avare. Le pigment est dense, ce qui distingue la bonne peinture de la mauvaise. Il n'en faut donc pas beaucoup pour obtenir rapidement une couleur aussi sombre que la nuit. Lorsque nous nous sommes rencontrés pour discuter de ses travaux, Haynes m'a expliqué que chaque tableau avait commencé par une lumière, qu'elle avait ensuite altérée. Une luminosité créée puis modulée. Elle m'a également dit que ses peintures obligeaient à ralentir, à regarder les choses lentement, comme pour vérifier que le mouvement n'est pas réel. Elle a tendance à utiliser des couleurs à base de bleu, à la fois expansives et récessives. Elle préfère donc le noir d'ivoire, un noir bleuté qui donne une impression de profondeur (le bleu diffuse, tandis que le noir absorbe, l'un intensifiant l'autre), au noir de mars ou de fumée. Les autres couleurs dont nous avons parlé et qu'elle a utilisées dans ces peintures étaient le vert de cobalt et le vert de cobalt titane, deux verts dans les tons bleutés plutôt que jaunâtres.
J'aime assez la vision de Giuseppe Lungo, qui définit la biologie comme la somme de la physique, de la chimie et de la vie. Je pense que cette définition, si on ne la prend pas au pied de la lettre (sans non plus tomber dans la métaphore), décrit plutôt bien cette impression que nous avons, lorsque nous observons un tableau, de voir une matière physique (un objet dense), mais une matière animée et non inerte. Si ce n'est pas le cas, c'est que le tableau est soit l'affirmation d'une mode, soit un échec technique.
En voyant ces nouvelles œuvres, je me suis immédiatement remémoré deux souvenirs qui démontrent à quel point il est important que la nature tactile de la surface soit immédiatement perceptible. Je me suis d'abord rappelé la phrase de Karl Zerbe, qui m'avait dit, dans les années 60, que la surface était la caractéristique la plus importante d'une peinture. Zerbe, qui avait fui l'Allemagne hitlérienne et avait été le professeur d'Ellsworth Kelly et de Brice Marden, était un peintre à l'encaustique et on peut raisonnablement supposer que son avis sur la suprématie de la surface était influencé par cette activité. Cependant, mon deuxième souvenir remonte à ce jour de 1974 où Elizabeth Murray avait visité mon studio pour la première fois et qu'elle m'avait demandé si j'avais sablé la toile en cours de réalisation. Je crois que ces œuvres de Haynes m'ont fait repenser à ces deux artistes soulignant tous deux le lien entre le rendu visuel des tableaux et leur constitution physique à cause de la manière dont elle y utilise la peinture. Si ces œuvres sont sans doute les plus excitantes qu'elle ait jamais réalisées, c'est notamment à cause de la manière dont elles sont peintes. Pas nécessairement parce que Haynes les a peints avec de l'huile sur une toile de lin, mais parce qu'elle a compris ce qu'il était possible de faire avec ces matériaux.
En effet, la peinture à l'huile retient la lumière et renferme donc un reflet qui le rapproche des surfaces technologiques électroniques telles que les écrans de cinéma ou, plus encore, la vidéo - une caractéristique que ne possède aucun autre matériau pré-électronique, à l'exception du verre. Dans cet essai écrit en 1998, je disais que Haynes avait déjà, durant les années 80, produit des peintures dont on pouvait dire que la surface n'était pas la suite visuellement dépendante du support, mais que cette tendance était devenue plus évidente dans les années 90, et que le médium utilisé pour produire cette discontinuité était différent. Les peintures sombres sont celles où Haynes peut le mieux exploiter la luminosité interne qui caractérise la peinture à l'huile, aussi bien traditionnellement que littéralement. Lorsque la peinture à l'huile sèche, le pigment reste en suspension dans une huile qui, une fois mise en contact avec l'air, devient transparente et fait ressortir la couleur ainsi que son emplacement au sein de la surface qui la contient. C'est ce phénomène que Haynes exploite et met en valeur dans ses dernières peintures, accroissant ainsi la variété (et donc la complexité) des mouvements qui caractérisent son travail. Et puisqu'il s'agit de peinture à l'huile (sur une toile de lin), ces tableaux ne sont ni mats ni poreux. Ils brillent comment une vidéo et, bien que le communiqué de presse les décrive comme possédant une luminosité qui « plane sur la surface comme l'éclat qui émane d'un écran d'ordinateur », je dirais pour ma part que cette luminosité ne plane pas SUR la surface, elle est DANS la surface. C'est pourquoi la lumière qui semble en émaner rappelle l'éclat d'un ordinateur lorsqu'il est allumé, mais qu'il n'y a rien à l'écran. La différence est que la lumière de l'ordinateur se trouve réellement à l'intérieur de l'écran, tandis que la brillance de la peinture à l'huile dépend d'une source extérieure, mais c'est leur similitude qui nous intéresse ici. Cette comparaison, qui était impossible pour les artistes en activité avant une certaine date, est désormais devenue inévitable.
Pour souligner cette possible comparaison avec un écran d'ordinateur et la manière dont cette comparaison peut influencer la réception de l'œuvre, Haynes a donné aux tableaux de cette série des titres qui sont tous écrits en minuscules. Ce qui était autrefois une symbolique moderniste (voir le cas, par exemple, d'e.e. cummings) avec l'une ou l'autre signification spécifique est désormais directement associé à la manière dont on écrit le plus souvent sur un ordinateur lorsqu'on cherche quelque chose. reaching back (2016) est sans doute, à mon sens, le tableau le plus compliqué de la série, car il exploite l'impossibilité de décrire précisément ce que l'on regarde. En effet, cette œuvre nous oblige à observer certaines parties d'une manière qui contrarie notre capacité à la voir dans son ensemble, car nous sommes trop attirés par les détails. Prendre du recul pour examiner l'ensemble représente donc une difficulté supplémentaire. Ce tableau, comme les autres de la série, mais de manière peut-être encore plus explicite, ne présente pas, ou en tout cas pas uniquement, un espace unifié, mais plutôt un groupe d'espaces qui coexistent au même endroit. Il arrive souvent, pour ne pas dire toujours, qu'un seul endroit rassemble différents espaces. Pensez par exemple à une ville. Dans les peintures comme dans n'importe quelle ville, ce qui caractérise un espace en particulier est sa situation par rapport au centre et à la périphérie. Comme dans les villes, les espaces sur un tableau se définissent par le genre de mouvement qu'ils produisent ou provoquent. La densité, aussi bien perçue que réelle, n'est pas étrangère à cela. Dans la peinture, l'espace peut impliquer un mouvement vers l'intérieur, vers l'extérieur ou en travers, ainsi qu'un mouvement d'un espace à un autre. Dans les tableaux représentant des paysages, le mouvement est créé par un jeu d'ombres, alternant entre la lumière en mouvement rapide et les ténèbres en mouvement lent. Dans la peinture non figurative, en revanche, ces mouvements ne sont pas liés à la perception d'un fond alternant entre ces deux états, mais au contraire, à un fond qui se distingue uniquement par sa couleur et par son ton, et qui n'est donc pas le même d'une place à l'autre, sans aucune référence stable ni aucun postulat sur lequel s'appuyer. C'est ainsi que les nouvelles peintures de Haynes vivent dans l'espace sans fond que nous associons à la vidéo et aux écrans d'ordinateur. Elles font des choses que les ordinateurs ne sont pas capables de faire, mais qui sont rendues possibles par l'exemple d'un espace rempli d'action - personne ne nie l'existence d'un mouvement sur un écran où circule de l'électricité - sans fond ou source de lumière. Cet espace EST la lumière et en est indissociable. Tout comme un écran vidéo, ces tableaux ne peuvent être décrits en termes de plan pictural - où serait-il ? L'œuvre doit être imprécise dans sa précision, qui est celle de l'expérience physique de la surface qui devient (ou se présente comme) une profondeur en raison de sa brillance, le tactile se faisant ainsi supplanter par son contraire : la distance indéterminée et, par définition, insaisissable. Comme nous l'avons déjà remarqué, puisqu'il s'agit d'un tableau, ni la « choseté » ni la profondeur (ou l'espace) inévitable qui n'existe pas vraiment ne remplace ou ne cède complètement sa place à l'autre. Comme je l'ai également suggéré, je pense qu'il est important de réfléchir à ce que la surface est censée accomplir et, surtout, à ce qu'elle signifie. Je vais essayer de traiter ce dernier aspect avant d'en arriver aux implications du premier. Les deux ont sans doute un lien avec la prière - pour reprendre les termes de Johnson - ou du moins avec la sincérité.
John Yau a écrit une critique très intéressante de ces peintures, dans laquelle il parle de celle (l'un des deux diptyques de la série) ayant pour titre le début d'un poème de Paul Celan (et c'est sans doute la raison pour laquelle cette peinture est la seule dont le titre débute par une majuscule). Le poème parle de l'Holocauste et Yau compare favorablement « le refus de Haynes de remplacer le vide de l'Holocauste par quelque chose de tangible » aux efforts déployés par Anselm Kieffer pour arriver plus ou moins à la même chose. Yau décrit les tableaux et la peinture et spécule, je pense avec raison, que Haynes souhaitait savoir si la peinture pouvait devenir le « lait noir de l'aube » dont parlait Celan dans son poème « et, tout aussi important, si elle et le spectateur pouvaient le "boire" ». Il conclut en nous rappelant que la peinture est toxique, mais que c'est elle qui « permet à Haynes de vivre ».
Je vais partir des propos de Yau et en faire une généralisation. Haynes travaille l'obscurité, ce qui entraîne automatiquement des connotations sombres, pour ne pas dire négatives. Son choix d'utiliser le poème de Celan renvoie tout du moins à ces connotations d'obscurité et, bien que le poème évoque l'aube, j'ai parlé de ses peintures en termes de nuit, ce qui est, je pense, raisonnable au vu des couleurs qu'elle utilise. Concernant l'Holocauste, Himmler avait en effet répondu, lorsqu'on lui avait demandé où iraient tous les Juifs qui étaient expulsés du Reich, qu'ils disparaîtraient dans la nuit et le brouillard (nacht und nebel). Il existe deux sortes d'obscurité : celle qui cache quelque chose et celle qui n'a rien à cacher. Mais le noir peut donner un aspect lugubre, quelle que soit la forme qu'il prenne. L'obscurité qui ne cache rien est l'incarnation de l'invisibilité, car elle représente de manière tangible ce qui ne peut être vu lorsqu'il n'y a rien à voir. L'obscurité qui cache quelque chose, par exemple la campagne en pleine nuit, a quant à elle un côté angoissant. Haynes évoque ou utilise les deux types d'obscurité. Il n'y a rien derrière la couleur, qui est simplement celle d'un paysage la nuit.
Son choix d'utiliser le poème de Celan comme titre d'une peinture sombre n'est pas sans rappeler celui de Frank Stella, qui avait donné à l'une de ses peintures noires le titre d'un chant nazi. Si l'on tient compte du fait que le tableau de Stella est contemporain à d'autres œuvres utilisant ce type de paradoxe politiquement incorrect - comme le film de Jean-Luc Godard, Le Petit Soldat, réalisé à peu près à la même époque, avec son héros, un militant d'extrême-droite citant Lénine -, on peut également voir dans le formidable travail de Stella une forme élaborée de rejet, y compris à l'égard de certains aspects traditionnels de la peinture à l'huile tels que sa surface. Haynes, en revanche, après avoir mis en peinture toutes sortes de choses, réalise aujourd'hui des tableaux qui constituent des affirmations, plutôt que des négations, du médium et de la manière dont il fonctionne. Dans les deux cas, c'est la peinture que l'on voit. Toute comparaison - forcément délicate - arrivera inévitablement à la conclusion que la manière dont la terreur peut être utilisée par l'art dépend de l'état général de la vie intellectuelle. Ce qui fonctionne aujourd'hui aurait sans doute semblé peu plausible à l'époque, voire même banal. À l'inverse, ce qui fonctionnait hier nous semble aujourd'hui puéril, artificiellement subversif ou provocateur. À l'époque, le fait de pointer une contradiction dialectique était perçu comme un signe de sincérité. Ce ne serait plus le cas aujourd'hui, car cette méthode appartient au passé. C'est intéressant de noter que si, à l'époque, nous rejetions la peinture à l'huile, ne pas en utiliser aujourd'hui semblerait presque suspect, héritage parasite de ce qui nous apparaît désormais comme un cliché.
Matisse est venu plus tôt, mais a lui aussi été confronté à ce problème de sincérité, notamment en réponse au régime nazi. Todd Cronan explique que la fille de Matisse a brièvement été détenue par la Gestapo. Lorsqu'elle a pu rentrer à la maison, Matisse a essayé de la consoler, mais s'est retrouvé confronté à la difficulté de paraître sincère alors que tous les signes extérieurs de sincérité avaient déjà été usurpés par les acteurs. Comment faire de manière authentique ce qui avait été standardisé ? Comme le démontre Cronan, Matisse avait les mêmes questions et préoccupations quant à sa manière de peindre.
this painting (2016) est composé d'obscurité qui ne cache rien. Celle-ci est plus claire aux endroits où les couches de peinture sont les plus fines, de telle façon que l'obscurité est perçue comme progressive. Cependant, le tableau n'étant pas composé d'une couleur, le point le plus clair n'est pas nécessairement considéré comme le point de départ. Il serait plus juste de dire qu'il n'existe pas de point de départ et que la peinture dans son ensemble est perçue comme progressive, via un mécanisme d'ajustement. Il est tout simplement impossible de dire où commence la progression. La plupart des décisions sont irréversibles. Il y a donc là un enjeu de taille qui ne peut nous échapper. Comme dans la peinture asiatique, la moindre erreur est irrécupérable. Il est impossible de la recouvrir de blanc et de repartir de zéro. this painting est sans doute le tableau de la série dont le développement est le plus évident, mais on peut se demander pourquoi, car, si le mouvement de gauche à droite est sans doute intentionnel, en dehors de cette décision initiale, le développement de l'œuvre est intuitif. Ceci nous amène sur un territoire où il est impossible de feindre les choses, de la même manière qu'on ne peut feindre de respirer. Dans un de ses livres traitant de politique, Brian Massumi expose une théorie sur l'intuition et l'instinct qui prend ici tout son sens. Citant des expériences réalisées sur des oiseaux, Massumi explique qu'il a désormais été établi que, contrairement à ce que l'on pourrait croire, l'animal est instinctivement attiré par l'expérimentation et la nouveauté. En effet, l'excitation et l'intérêt des oisillons pour les faux becs qui leur sont présentés grandissent moins ceux-ci ressemblent à des vrais. Plus surprenant encore, les mères ne rejettent pas les œufs de coucou, mais les couvent comme les leurs, en dépit de leur évidente différence physique. Les animaux se réjouissent du changement. L'instinct n'est évidemment pas conscient, il pousse à l'action sans laisser de temps à la réflexion. De même, l'intuition est elle aussi un processus préconscient. L'instinct, sans aucun doute, et l'intuition, certainement, sont ce que l'on entend lorsqu'un musicien de jazz improvise. Une action qui a du sens, mais qui n'est en aucun cas comparable à ce qu'elle aurait été si elle avait été l'aboutissement d'un raisonnement. Pensez à la vieille plaisanterie selon laquelle les Caucasiens ne sauraient pas danser - « Regardez ce blanc-bec qui dit à ses pieds quand ils doivent bouger ». De la même manière, quelqu'un qui regarde un tableau de Haynes voit - sent, est transporté par - l'intuition (et l'instinct aussi, très certainement). À l'instar de la respiration et du jazz, ses œuvres s'inscrivent dans le présent, mais comme une action dans l'immédiat et non comme un lien à une téléologie.
Il y a quelques années, T.J. Clark a écrit un essai, non pas sur un sujet lié à l'histoire de l'art, mais sur la gauche et sa (notre) tendance à constamment anticiper l'avenir au lieu d'agir dans le présent. Je pense que les peintres (surtout les abstraits et non figuratifs) devraient s'inspirer de ses conseils pour des raisons à peu près similaires. C'est encore plus vrai compte tenu de l'état actuel des choses dans le monde artistique, mais cela revient à dire que ce qui aurait été mauvais de toute manière est devenu pire que ce que cela aurait dû. Même si c'était le cas, un art qui reproduit une idée se met lui-même dans une position qui l'empêche d'influencer l'idée qu'il reproduit. C'est d'ailleurs le problème que rencontrent de nombreuses œuvres d'art aujourd'hui. L'art qui veut transcender l'histoire doit en fait l'ignorer. Sinon, il ne peut la changer ou la critiquer, mais est condamné à la répéter, comme un pastiche ou un souvenir altéré. Haynes connaît l'histoire aussi bien que n'importe quel autre peintre, mais semble néanmoins réussir à travailler sans autre objectif que les siens et sans avoir besoin de changer la définition du médium, ce qui, comme nous l'avons vu, ne l'empêche pas de réaliser des tableaux que tout le monde, sans doute y compris elle-même, s'empresse de comparer avec la technologie contemporaine.
Les joueurs de jazz possèdent une liste de standards, des chansons connues sur lesquelles ils improvisent comme si elles n'avaient jamais été interprétées auparavant. Les peintres abstraits ou non figuratifs ont eux aussi des standards, même s'il ne s'agit pas d'œuvres connues, mais plutôt de formats. Le carré, le quadrant, le tableau divisé en deux ou en trois, le diptyque et le format horizontal - appelé « format paysage » en français, ce qui a évidemment influencé son appellation dans les autres langues - sont quelques-uns des principaux formats avec lesquels les peintres abstraits sont obligés de travailler. Ici, non seulement la plupart des tableaux adoptent le format paysage, mais, comme nous l'avons déjà signalé, ils présentent les couleurs de paysages nocturnes et jouent avec l'espace qui en découle. Ces œuvres sont des spectacles plutôt que des exposés et diffèrent en cela de ce que l'on voit beaucoup trop souvent de nos jours. Il ne suffit pas de savoir ce à quoi elles sont censées renvoyer et pourquoi, il faut vraiment les voir.
Ces tableaux doivent être observés, et non pas scrutés, pour reprendre les termes que j'ai employés dans un autre article relatif au travail d'Uta Barth. On peut scruter un espace en y cherchant quelque chose en particulier, ou on peut simplement l'observer et voir ce qui en émerge. Dans les tableaux de Haynes, il n'y a rien à chercher, seulement à regarder. Les couleurs sombres ralentissent littéralement le rythme cardiaque. Et pourtant, ces tableaux provoquent de l'anxiété, jusqu'à ce que vous renonciez à essayer de trouver quelque chose. J'ai parlé des écrans vidéo, mais j'aimerais aussi évoquer les minuscules peintures créées par Peder Balke (1804-1887), que j'ai découvertes il y a quelques années lors d'une exposition organisée à la National Gallery à Londres. De petits tableaux rectangulaires provenant de la région la plus brumeuse, la plus froide et la plus rude de Norvège - j'en tremble rien que d'y penser - qui partagent avec les œuvres de Haynes la particularité d'être animés d'une force visuelle hors du commun. L'art peut toujours aspirer à accomplir ce que d'autres médias parviennent à réaliser - la musique ou la photographie, par exemple, dans le cas de la peinture - comme il peut aussi toujours aspirer à devenir invisible. Des forces et des mouvements que l'on peut contempler, ou tout simplement accueillir, parce qu'ils sont manifestement présents. Pas des traces d'actions, mais des actions encore en cours, des profondeurs qui ne laisseront pas le temps à votre cerveau de prendre les commandes. N'espérez pas pouvoir contrôler la manière dont vous percevez ces tableaux, car même sainte Rita ne pourra rien pour vous.

Nancy Haynes
Une littérature de silence
par Marjorie Welish

Ses peintures ne se reposent ni ne dorment jamais, mais s'inscrivent incontestablement dans une « esthétique du vide », comme elle l'appelle.

Évidemment, au premier coup d'œil, les peintures de Nancy Haynes donnent une place importante au noir. Le noir est le symbole moderniste de la radicalité. Teinte utopique, le noir incarne la rhétorique de la tabula rasa et, naturellement, l'ardoise vierge qui, d'une certaine manière, a donné à Haynes le corrélat objectif dont elle avait besoin pour exprimer sa position moderne.

Ses peintures sont donc fondamentalement des peintures noires, mais où le noir est articulé en des termes matériels et formels. Le vide implique l'abandon des couleurs, l'objectif étant de concentrer l'attention sur l'intérieur de la surface de la peinture, où il se passe tellement de choses. Cette impossibilité de poursuivre tout engouement ou attrait pour les couleurs en fait des peintures sobres, mais loin d'être ennuyeuses, car on assiste le plus souvent à une magnifique aurore boréale de gris. En effet, la gamme spectrale du noir associé au blanc introduit un chromatisme tonal qui atténue le côté extrême du noir et à ce contraste modifié s'ajoute également une touche subtile de chaud dans un ton froid.

Le noir rappelle l'absence, une absence qui peut trouver sa cause soit dans le mélange confus de toutes les couleurs, soit dans le retrait de la lumière. En mettant à jour ses qualités optiques et pigmentaires, Haynes nous laisse entrevoir que ses peintures grises sont ces tableaux noirs auxquels on a apporté une visibilité. Intriguée par les différences de lumière factuelle, Haynes a commencé à utiliser de la peinture phosphorescente il y a environ quinze ans. The Third Rail (1984), par exemple, présente quatre matériaux pigmentaires différents, dont deux, la feuille d'or et la peinture phosphorescente, bordent une surface peinte (noir) et une surface non peinte (lin). Le contraste de leurs caractéristiques structurelles est donc renforcé par la différence matérielle notable de chaque surface. Cette technique est depuis lors restée une des grandes préoccupations de l'artiste. Et pourtant, la matérialité de la surface du support a elle aussi été absorbée dans une visualité plus fluide, plus maniable, qu'auparavant. Le noir sensuellement nuancé prépare l'intellect à l'articulation. Pour le dire autrement : avec les gris spectraux de Haynes à sa disposition, le noir est libéré de ses dogmatismes. De la même manière que la lumière et l'obscurité se confondent dans ses récents travaux, les caractéristiques matérielles et métaphysiques s'assemblent et se désassemblent librement (Once, 1990, Metropolitan Museum of Art). On voit désormais que l'état utopique de Not Yet a été abandonné au profit d'une attitude plus proche de celle d'Adorno, où s'entremêlent des possibilités inexploitées.

Culturellement, Haynes se situe sans doute quelque part à l'intersection entre Ad Reinhardt, Theodor Adorno et Samuel Beckett (Unfilled [Plus], Untitled [Minus], 1986, Brooklyn Museums). L'idéalisme d'Ad Reinhardt, qui voulait « peindre la peinture », était assurément héroïque et, même longtemps après que les suprématistes ont fait le plein de sujets, d'anecdotes, de décorations et d'incidents sympathiques, Reinhardt est resté fidèle à sa ligne de conduite et à sa conviction que seule la forme compte. Haynes s'inscrit dans la même lignée. Les différences de tons et de textures sur l'épiderme de ses peintures n'ont rien à voir avec un décor morne. Au contraire, elles sont destinées à créer une austérité visuelle.

Pour Reinhardt comme pour Adorno, une négativité concertée en théorie et en pratique est un acte positif et délibéré de résistance : résistance à l'interprétation, résistance à la marchandisation. Pour Haynes également, une esthétique de négation et de négativité exprime une résistance ardente face au goût. Ses œuvres n'offrent pas d'« interprétations » susceptibles d'apaiser un public non habitué à la tradition moderniste. Car il appartient au spectateur, au moins autant qu'à l'artiste, d'apprendre à décrypter ce qu'il voit s'il souhaite poursuivre sa quête artistique.

Qu'il s'agisse d'une guerre ou d'une autre catastrophe, une fois intériorisée, cette conscience culturelle préconisée par les puristes de l'école new-yorkaise est sous-entendue par Haynes, même si son œuvre n'exprime pas de manière manifeste ces préoccupations. En définissant l'extrémité existentielle en des termes matériels et formels, des œuvres comme Onement de Newman, les compositions cruciformes de Reinhardt ou les espaces liminaux de Rothko ont établi une norme de gravité à la hauteur de la gravité de leur situation culturelle. Leur style est caractérisé par le silence et l'autodiscipline artistique. Ad Reinhardt décrit la symbolique du noir comme « le retrait du reclus, la renaissance dans la solitude ». Ses notes personnelles parlent d'un symbole spirituellement confortable. Dans ce sens, il lui reconnaît de plus grandes possibilités d'expression que ne le fait Beckett. En perpétuelle rencontre subjective avec une catastrophe ou un événement considéré comme catastrophique, Beckett rappelle Pascal : le néant est la proximité vécue de la mort que chacun coud dans ses propres vêtements.

IRRITABILITÉ

Silencieuse, mais non moins réelle, la matérialité de la surface peinte par Haynes n'est plus une simple catégorie universelle, puisqu'elle devient marquée, texturée et angoissée, ce qui plairait sans doute à Adorno. La surface du silence est à la fois structurée et infléchie. Dans Untoward (1990), par exemple, des nébuleuses de traces se distinguent. Ce qui en ressort est une calligraphie symbolisant, d'après l'artiste, l'Orient et l'Occident de part et d'autre d'un épisode spasmodique du type « syndrome de Gilles de la Tourette ». Le champ visuel est perturbé par une écriture manuscrite indiquant qu'une désarticulation (psycho)somatique menace toujours de survenir.

La marque de Haynes est celle de la sensation infinitésimale. Avec des surfaces aussi infléchies, son art révèle la précision visuelle que nous associons à la mentalité d'un graveur. Des surfaces piquées et tourmentées par toutes sortes de décisions consciencieuses témoignent de la rigueur scrupuleuse de l'inscription. Les champs visuels de Haynes révèlent ensuite l'irritabilité par laquelle il faut passer pour comprendre un geste expressif sous sa forme la plus sensible (Fort-Da, 1990-91).

ENTRE IRRITABILITÉ ET ITÉRABILITÉ

Une trace est un geste dans tout ce qu'il a de plus significatif. Le caractère unique et fondamental de la trace, de la touche ou du coup de pinceau est le postulat radical des artistes de l'école new-yorkaise et de leurs partisans. Les premières œuvres de Reinhardt, aux gestes précis et minutieux, ne sont que l'amorce d'une exploration encore plus scrupuleusement contrôlée dans les nuances de noir. Les atmosphères méticuleusement jaugées d'Arshile Gorky, de Cy Twombly et de Mark Rothko suggèrent toutes que, chez les grands artistes, la sensibilité de la surface correspond à des approximations de plus en plus serrées autour d'un problème, d'une question, d'une articulation de structure.

Le travail de Haynes provoque une lente appréhension d'un espace totalement indiscernable. Vu l'espace à moitié effacé qui est articulé, les traces de pinceau semblent susciter autant de doutes que de clarifications (Naming, 1991 ; The Painting in Question, 1991). Quoi qu'elle soit d'autre, la trace dans les tableaux de Haynes n'est en aucun cas un conspirateur de décor, comme elle l'est souvent de par sa facilité à rendre une surface intelligible. Comme les divisions dans les champs visuels de Barnett Newman, la trace ou le coup de pinceau de Haynes indique la présence d'abysses et pose donc la condition d'un « là-bas » lointain par rapport auquel la trace établit un conditionnel « ici ». [Le psychanalyste Jacques Lacan affirmait que le sujet était coincé entre la trace et le vide. Peut-être que le très heideggérien « zip » de Newman est la trace à laquelle Lacan faisait allusion (Brushstroke for Michael, 1991).]

En peinture, la structure de l'itérabilité peut prendre la forme de traces formulées non verbalement puis répétées, traçant une chaîne régressive d'incertitude nuancée. Par conséquent, dans les œuvres de Haynes, les cadres intérieurs qui soulignent le vide infléchi du tableau sont eux-mêmes infléchis et ajustés selon un processus réitératif. D'une manière ou d'une autre, l'intelligibilité visuelle du champ finit par exprimer ses hésitations : les nuances de gris s'inquiètent puis s'excusent, se parlent à elles-mêmes d'une voix mélancolique, manifestent une tendance à alterner approche et évitement, et imaginent de nouveaux scénarios (Referent, 1992 ; Revisionist History, 1992).

LA LITTÉRATURE DU SILENCE

Nancy Haynes a produit une série de monotypes stupéfiants inspirés du travail de Samuel Beckett. Ceux qui connaissent les œuvres de Haynes ne seront pas étonnés d'apprendre que l'artiste voue une admiration de longue date pour l'écrivain irlandais. Elle est esthétiquement en accord avec l'hypothèse de Beckett concernant la « divine aphasie » (la perte de la capacité à communiquer), ce qui est en soi incompatible avec l'école du marquage (That Which Memory Cannot Locate, 1991-92). De toute évidence, elle admire chaque élan insufflé par « l'insuffisance du langage » dénoncée par Heidegger, même lorsqu'ils sont exprimés dans d'autres formes d'art que le sien (par exemple, l'hommage de Robert Ryman au texte de Beckett, Mal vu mal dit, avec son illustration où l'on distingue à peine les lettres « th »). Consciente de la névrose cosmique de Vladimir et Estragon, elle mène ses propres incursions dans un bégaiement élégant sur le plan visuel.

Haynes n'est pas la seule à être captivée par la nature paradoxale du noir pour exprimer à la fois le sens et l'insignifiance (Seppuku, 1991). De la spiritualité sombre de Beckett à l'étude de Reinhardt sur le silence de Thomas Merton, de la fascination de l'Occident pour les religions orientales qui placent le positif au-dessus du négatif au vide existentiel, la littérature du silence demeure la conviction de toute une génération d'artistes. Il ne fait nul doute que tant son association au deuil que sa valence positive définissent un domaine familier à Nancy Haynes. Cependant, Haynes ne s'est pas contentée d'en rester là et se distingue des artistes contemporains par son intelligence visuelle qui l'empêche de s'enliser dans ses habitudes et la pousse à explorer encore et toujours plus profondément.

Marjorie Welish, août 1993


L'espace et le dénouement : du réel à l'absolu
Les peintures de Nancy Haynes de 1974 à 1998
par Jeremy Gilbert-Rolfe

On peut regarder la carrière d'un artiste de deux façons : en constatant que certaines choses changent tandis que d'autres restent les mêmes, ou en observant comment certains changements d'un côté de la médaille redéfinissent ce qui se trouve de l'autre. Ces approches plutôt incompatibles sont aussi utiles l'une que l'autre et les remarques que je souhaite faire ici - qui suivent (et d'une certaine manière, nuancent) ce que j'ai dit sur le travail de Haynes ailleurs - sont, je pense, cohérentes avec les deux. Elles reflètent la pensée selon laquelle ce qui s'est passé chez Haynes ces trente dernières années devrait peut-être être décrit comme la substitution du discours de la chose par celui de l'écran. La surface de la peinture - lieu de production, mais aussi de projection, de planéité, mais aussi d'espace - n'est jamais complètement ni l'un ni l'autre. À cet égard, il semble utile de rappeler qu'avec l'arrivée du film, le mot « cadre » a cessé de renvoyer à ce qui entoure la peinture ou la photographie, mais a commencé à décrire l'ensemble de l'image (fixe), et que, bien que Haynes ait débuté par une esthétique minimaliste trouvant sa source dans la choséité plutôt que dans la spatialité, toute la peinture contemporaine est réalisée dans un monde peuplé d'écrans et défini par ce qui se passe dessus. Ou devrais-je dire ce qui se passe dedans ? Un écran est une surface plane destinée à contenir. Ce qui apparaît sur l'écran se situe dans le cadre (même principe que pour le pictorialisme et la presse écrite : ce qui figure en première page est la chose la plus importante contenue dans le journal).

L'avantage de parler de l'évolution des peintures de Haynes comme d'un passage de l'objet à l'écran est qu'en faisant cela, on contrecarre toute tendance à la décrire en utilisant les conventions traditionnelles de l'espace pictural. Haynes n'aime pas discuter de son travail en ces termes et sa pratique devient plus claire dès lors que l'on essaie de comprendre comment l'idée de spatialité (qui arrive a priori, c'est-à-dire que nous ne pouvons pas penser sans) réapparaît dans ses peintures par des routes différentes de celles habituellement employées tout au long de l'histoire de la peinture de paysage. S'il s'agit d'un passage de l'objet à l'écran, ce passage a pour ainsi dire débuté à l'intérieur même de l'objet. En 1974 et aux alentours, Haynes a réalisé de minuscules peintures qu'elle a appelées « tableaux de poche », d'après les « violons de poche » qu'elle avait vus au Metropolitan Museum à New York (où elle a travaillé un moment, au sein du département des instruments de musique). Ces mini-peintures sont réalisées en plaçant un tendeur en travers de l'autre, créant un espace volumétrique ou « réel » articulé ou défamiliarisé par l'assemblage considéré comme une chose, tandis que le noir, le blanc et la matérialité du lin procèdent à une nouvelle réarticulation (ils défamiliarilisent la défamiliarisation) en utilisant le langage de la surface, où la modulation remplace la construction, autrement dit où les concepts (phénoménaux) d'apparition et de disparition remplacent les concepts (éthiques) de révélation et de dissimulation.

Cette surface a continué à développer une sorte d'indépendance vis-à-vis de son support. Des œuvres comme Untitled 1981 (que l'artiste appelle une construction, par opposition à une peinture) et Suspended judgment (1984-85) impliquaient la disposition asymétrique de couleurs et de surfaces majoritairement non infléchies, obligeant le spectateur à porter son attention sur leurs interactions et sur le support, dans la mesure où la/les surface(s) doi(ven)t être perçue(s) comme agissant en étroit concert avec lui. Dans la seconde moitié des années 80, ce développement prend un nouvel essor.

Avec Untitled 1986-87 - une peinture cruciforme ou, comme elle dit, « en forme de plus » légèrement plus haut que large -, la surface des peintures de Haynes atteint un nouveau genre de tension visible avec le support, bien que ce renouveau ait déjà été amorcé par des peintures comme Suspended judgment, qui était composé de deux types de peintures et, par conséquent, de propriétés (tactiles, mais également spatiales) différentes, affectant la manière dont sont perçues les extrémités du tableau.

Suspended judgment est un équilibre entre peinture-émail et peinture à l'huile. La première est lourde et visqueuse, tandis que la deuxième est plus légère, ce qui ne veut pas nécessairement dire moins intense (en fait, c'est même l'inverse, justement du fait de sa viscosité relativement plus faible) : deux quantités et qualités de couleur sombre, absorbant différemment la lumière, ou pas - ces différences étant observées entre deux types de peinture, quels qu'ils soient. En passant, il convient de noter que la peinture exploite des différences phénoménales qui apparaissent également d'un genre nouveau. La peinture-émail ne s'achète pas dans les magasins de matériel artistique, mais au rayon bricolage. Historiquement, ses origines extra-artistiques la relient à Duchamp et ses ready-made, ainsi qu'à Pollock et ses mélanges d'émail et de peinture aluminium.

Déjà avant Untitled 1986-87, donc, la surface présentait des caractéristiques sans lien avec le support - les décisions concernant par exemple la couleur ou le type de peinture à utiliser dans Suspended judgment découlaient d'une réflexion qui avait davantage trait à ce qu'il était possible d'apporter au support plutôt qu'à ce qu'il était possible d'en tirer. Mais dans Untitled 1986-87 - peinte sur ardoise, un matériau qui n'appartient pas à cette tradition (dans laquelle le tableau ou la toile joue un rôle central) consistant à disparaître dans la spatialité du visuel -, Haynes intensifie la perception de la surface en la développant comme un lieu d'inflexion et d'accumulation, ce qui entraîne sa dissolution et met à mal sa continuité avec le support. La finesse de l'ardoise est érodée par tout ce qui lui est ajouté.

La lumière semble survenir de l'intérieur de la surface, c'est-à-dire que le tableau présente une relation asymétrique entre l'extension ou ouverture visible et l'immensité impénétrable. J'ai écrit à propos d'une autre peinture de cette série peu après sa réalisation. Je l'ai décrite comme une œuvre offrant plus d'espace, dans la mesure où elle comportait moins de noir, et aussi parce que le noir et le blanc n'étaient pas simplement opposés. En effet, si le blanc peut être synonyme d'espace et d'ouverture ininterrompue, le noir constitue une interruption par définition et les surfaces noires impliquent donc une porosité plus ou moins importante, ainsi qu'une ouverture entravée, mais pas empêchée. Une telle description s'appuie sur les postulats traditionnellement attachés au fonctionnement de la peinture, en soulignant toutefois que l'art non figuratif s'écarte de cette tendance initiale à alterner le solide au néant en tant que base de la représentation. En Occident, on a généralement tendance à penser que la peinture est dérivée du dessin et que le noir et le blanc fonctionnent exclusivement de deux manières : soit ils suggèrent une modélisation, où l'obscurité représente ce qui est éloigné de la lumière ou son ombre, soit ils permettent de distinguer deux types d'espaces, l'espace visible de ce qui est lumineux - un ciel dégagé et une plaine étant généralement représentées en dessin en laissant le papier blanc - et l'espace impénétrable de ce qui ne contient pas de lumière et n'est pas éclairé de l'extérieur - le néant. Le blanc en tant que pénétrabilité infinie, le noir en tant qu'infini impénétrable : l'ouverture d'un champ ensoleillé, la claustrophobie d'un espace tout aussi ouvert, mais assombri et, par-là, rendu impraticable par l'obscurité. Dans la lignée d'Heidegger, Derrida a décrit la ligne noire (ou, en tout cas, sombre) commune au dessin et à l'écriture, qui représente la forme sans toutefois en constituer une caractéristique, comme un vide retenu par ses bords extérieurs, un gouffre séparant des formes d'autres formes et de l'informe. Les œuvres de Haynes n'ont pas pour but de modéliser quoi que ce soit, mais bien d'exploiter les capacités inhérentes de la surface pour que ce que l'on voit au premier coup d'œil - une surface plane qui est la face d'un objet - corresponde à ce que l'on voit au second (dans la mesure où l'on regarde également les faces elles-mêmes).

Dans le monde des choses, un vide ne peut pas jouxter un autre vide. Le vide est toujours une pénétration de choses ou un infini dans lequel des choses existent, mais qui, dans la peinture figurative, est uniquement représenté par un espace qui n'est pas rempli. Ce vide est rendu tangible par les peintres impressionnistes, les premiers à avoir cherché une équation entre la choséité et le néant sous la forme d'une matérialité commune liant les objets, la lumière qui les rend visibles et l'atmosphère qui en estompe certains et disperse les autres. Dans la peinture non figurative, en revanche, il arrive très souvent que le vide jouxte le vide. La remarque de Clement Greenberg selon laquelle Pollock a été le premier peintre à utiliser une ligne pour produire un espace qui n'était pas divisible en solides et en vides peut être appliquée à Haynes et à son utilisation de l'obscurité et de la lumière pour produire une combinaison de vides - dans le sens de ce qui n'est pas solide - qui ébranlent la choséité de l'objet, puisque le vide est synonyme d'absence de choséité ou de substantialité.

Cette méthode, que Haynes utilise pour souligner la matérialité de la surface dans Untitled 1986-87, de façon à ébranler la présence du support en tant que matériau, restera une caractéristique récurrente de son travail. Écrivant au sujet d'un monotype ultérieur, Christine Mehring dira que « Haynes gomme la matérialité du papier (...) lui soustrait son épaisseur et son impénétrabilité en lui ajoutant une peinture à l'huile (...) qui ouvre ses pores plutôt que de les fermer, et qui permet à la lumière de l'illuminer de l'arrière ». Ce que Mehring appelle « soustraction par l'addition » commence par les peintures sur ardoise, où du blanc est ajouté au gris foncé de l'ardoise (que l'industrie de la peinture à l'huile appelle « gris de Davy »).

Comme je l'ai dit, si les surfaces blanches sont perçues comme remplies de lumière, les surfaces noires (ou gris très foncé) ne produisent pas nécessairement l'effet inverse. Le noir, lorsqu'il n'est pas brillant (auquel cas on le voit à travers un voile transparent, mais lumineux) est poreux, à image de l'absorbant et de son impénétrabilité. Dans Untitled 1986-87, du blanc est ajouté au gris foncé, remplaçant l'impénétrabilité de la surface par une impression d'ouverture. Haynes a un jour dit : « Mes peintures consistent de plus en plus souvent à gommer et vider ». Et même s'il me semble qu'il ne s'agit là que de la moitié de l'histoire, il peut être utile d'examiner encore un peu plus longuement Untitled 1986-87, afin de remarquer à quel point la suppression chez Haynes se présente sous une forme totalement opposée à celle sous laquelle on la rencontre d'habitude. Je ferais également remarquer que l'action de « vider » suppose l'existence d'un espace quelconque, alors qu'il est possible de « gommer » ce qui se trouve sur une surface. Cela signifie qu'en peinture, les deux termes sont synonymes.

Dans L'Atelier rouge de Matisse, le spectateur se trouve au centre de ce qui semble être le fond de la pièce représentée, face à une horloge. De là, il regarde l'arrière-plan défini par un trait blanc courant sous la peinture qui couvre le reste du tableau. En recouvrant le blanc, Matisse a supprimé sa luminosité. Le point culminant de l'espace pictural se situe là où il commence, dans son arrière-plan, face à cet objet en forme de visage (qui mesure le temps). Chez Haynes, le blanc est ajouté. Elle commence avec une base dont le blanc (autrement dit la lumière) est absent. Ajouter du blanc revient à estomper la forme. C'est pour cette raison que je parle de dissolution à propos de tableaux tels que Untitled 1986-87 et les suivants : ce qui est soustrait est la matérialité du support, qui, après l'ajout d'un estompeur, finit par se diluer dans une sorte d'espace.

Haynes cite les dessins de Seurat comme une source d'inspiration pour certains de ses tableaux les plus récents. C'est pour essayer d'obtenir un effet similaire au sien, de floutage par accumulation, d'intensification de la forme (plutôt que l'inverse) par la suppression de sa solidité, que Haynes a notamment décidé d'utiliser du lin épais. Painting into Drawing (1997) se sert de la texture de la toile pour complexifier la surface composée de peinture appliquée à l'aide d'un pinceau en caoutchouc mousse. Le matériau épais est ainsi transformé en une surface qu'on dirait remplie d'air. Ce tableau, à cet égard et à d'autres, rappelle From A to B (1991), qui fut ainsi baptisé parce qu'il ressemblait à une sérigraphie, suggérant un processus consistant à presser une couleur à travers un pochoir pour produire une surface à la fois intense et ultra-fine. Bien plus tard, Haynes m'avoua que la peinture From A to B lui avait fait réaliser qu'elle voulait « calmer le jeu ». Il lui semblait « moins important de créer autant de profondeur », mais elle voulait que cela ait l'air « facile, comme si c'était apparu tout seul ». C'est exactement ce à quoi Matisse souhaitait parvenir avec ses peintures et elles aussi étaient fines, pour les mêmes raisons.

L'intensité à travers la finesse est ce que l'on voit lorsque l'on observe la surface d'un écran, par opposition à la face extérieure d'un objet. Le passage de la chose à l'écran (de l'ardoise en tant que support à la sérigraphie en tant que référence) ayant été, en un sens, achevé avant la fin de l'année 1991, les derniers travaux de Haynes peuvent être considérés comme un réexamen et un approfondissement de cette finesse que l'effet-écran requiert.

Ce qui nous amène à la seconde moitié de l'histoire, celle qui boucle la boucle. On peut commencer par ce qui existe déjà. Barnett Newman a dit quelque part qu'il trouvait irresponsable de ne pas donner de titre aux peintures. Haynes donne souvent des titres à ses peintures - il n'est d'ailleurs pas rare que ceux-ci contiennent des références à Samuel Beckett. Souvent responsable, donc, mais pas toujours. À propos de l'intérêt de Beckett pour le thème du dénouement, qui a inspiré Haynes à plus d'une occasion, il faut rappeler que lui-même ne croyait pas qu'il soit possible d'y parvenir dans l'art - ou plutôt; je pense qu'on peut dire qu'il ne croyait pas que l'art puisse faire quoi que ce soit d'autre. Ses derniers mots furent « Rater encore. Rater mieux », faisant sans doute référence à de vaillantes tentatives de rapprocher plusieurs contradictions intrinsèques. Le désir de Cézanne de réconcilier impressionnisme et classicisme est peut-être l'exemple le plus connu d'un tel comportement dans l'art visuel, mais on pourrait également mentionner les tentatives de Seurat de conjurer l'informe par une attention assidue à la forme. Dans les œuvres de Haynes, l'idée de forme a depuis longtemps laissé place à des possibilités de mouvement que les formes elles-mêmes ne peuvent exprimer. En 1995, elle a monté une exposition dans une galerie texane, qu'elle a baptisée Endgame/Brain Coral et dans laquelle elle présentait de petites sculptures fabriquées à partir de corail cerveau de Neptune, qu'elle décrit comme des « labyrinthes figés », autrement dit une forme obscurcie par le mouvement. Dans cette même exposition figurait également une rangée de ses Mirror Sites, des tableaux qui luisent dans l'obscurité, représentant ce qui est révélé lorsque l'éclairage général - qui définit le monde en termes de solides et d'absences - est lui-même absent. Chez Haynes, la surface est à la fois une zone de dissolution et, à tous les autres égards, un lieu rempli d'informations, où la densité est synonyme d'ouverture et de luminosité, car produite par un processus qui relie une expérience de l'espace - une accumulation de traces dont certaines ont pour vocation de « vider » - à une idée de temps, à laquelle je vais consacrer le reste de mon analyse.

J'ai déjà dit que, bien que les peintures de Haynes consistent à gommer et à vider, la manière dont elles sont vidées et gommées contribue à les remplir d'une idée de la peinture en tant que lieu où l'irréalisable peut devenir visible. Un tableau datant d'environ 1984, The Third Rail, commence par de la feuille d'or sur la gauche et se termine par de la peinture phosphorescente sur la droite (avec, au milieu, une peinture contrastante à l'huile et à l'acrylique). Les panneaux sont disposés selon une séquence A/C/B/D, où A est le plus fin et D le plus épais. Ainsi, les panneaux extérieurs représentent des extrêmes, mais ce qui se trouve entre les deux n'est pas un passage progressif ou direct de l'un à l'autre. La différence d'épaisseur entre les deux panneaux extérieurs renvoie à une distinction opérée par Haynes entre l'espace réel et ce qu'elle appelle « l'espace absolu », où la lumière est une caractéristique propre à certains objets - un postulat de départ matérialisé dans la peinture phosphorescente, tandis que la feuille d'or dépend de la lumière réelle - et où la continuité n'est ni entravée par des choses ni une question de profondeur mesurable. Ce phénomène peut être observé dans la musique, naturellement, mais aussi dans les films, où, comme dans un rêve, on passe sans peine d'un espace et d'une époque à l'autre. Lorsque Haynes baptise ses œuvres d'après des titres de films - rappelant qu'à notre époque, aucune œuvre d'art ne peut échapper à la comparaison avec l'écran -, elle choisit généralement des films des années 60, ceux qui ont marqué sa génération, qui se trouve également être la mienne. Une génération confrontée au fétichisme pour la chose au détriment de la spatialité imposée par le minimalisme, qui, sous la houlette du père fondateur de la tendance, Don Judd, a rapidement débouché sur un appauvrissement intellectuel fondé sur un élan pour la sculpture contre la peinture, prenant la forme d'une croisade contre l'illusionnisme de toute sorte - mais surtout picturale - y compris celui sur lequel l'œil n'a pas de contrôle. Du puritanisme déguisé en matérialité. Study for Rashomon et Day for Night, toutes deux réalisées en 1994, renvoient à des récits sur le doute et l'ambiguïté, l'illusion obscurcissant et nuançant l'illusion. Rien ne pourrait être plus éloigné du fantasme de Judd selon lequel la spécificité serait synonyme d'objectivité. C'est dans ce sens qu'on peut également dire des peintures de Haynes qui suspendent le réel en faveur de la virtualité de l'absolu qu'elles l'effacent, le vident, l'érodent ou le dissolvent. Ses peintures composées de peinture phosphorescente rappellent ces autres surfaces brillantes parfois rencontrées dans les maisons, lorsque les appareils sont éteints, mais que l'écran de télévision ou d'ordinateur est resté allumé. Il n'y a pas d'objet, seulement une surface avec de la lumière à l'intérieur. Et je tiens à insister sur le fait que cette lumière se trouve à l'intérieur, et non derrière ou dessus - il se peut d'ailleurs que le panneau le plus épais dans The Third Rail soit celui avec la peinture phosphorescente parce que c'est celui qui est le plus menacé de dissolution dans la couleur. L'utilisation que Haynes fait du jaune dans d'autres tableaux me semble un geste en direction du même principe. Le jaune, à l'inverse du noir ou du blanc, anéantit toute idée de profondeur tout en étant extrêmement actif sur le plan spatial, au point de n'être jamais pleinement identifiable, quelle que soit la surface sur laquelle il repose. Toujours pleinement présent sans pourtant jamais devenir une chose, il s'agit d'un phénomène au sens heideggérien, pleinement présent et ne menant à rien.

Aussi, dans des peintures telles que Study for Rashomon ou Margin and Breach, 1995, le jaune attire le spectateur vers la surface, là où se trouvent des traces d'activité qui constituent en même temps des mouvements en soi, prenant place dans ou à travers une couleur qui, si elle devait renvoyer à quelque chose, pourrait plus aisément être associée à la lumière ou au liquide qu'à toute substance ou forme solide. Comme beaucoup d'autres, les œuvres de Haynes sont imprégnées de l'histoire de l'art avant même d'être conçues, et elles ne sont pas tant vidées ou gommées qu'intensifiées jusqu'à dissolution. Le minimalisme est en effet liquéfié en étant pris au pied de la lettre. Haynes, comme beaucoup d'autres peintres de sa génération, a trouvé une porte de sortie au dénouement, synonyme de statu quo lorsqu'elle a commencé, en évitant de réduire la couleur et la trace à une choséité (le premier étant une surface, l'autre une inscription, mais les deux étant vides).

Lorsqu'elle parle de ses peintures, le discours de Haynes est truffé d'allusions à l'équilibre. (Je voudrais d'ailleurs ajouter quelque chose en lien avec ce sujet ainsi qu'avec mes précédentes remarques concernant la suspension du réel et l'ambiguïté d'un titre tel que Suspended Judgment : puisque toutes les peintures sont suspendues, peut-être que je ne regarde pas un jugement en suspens, mais un jugement en suspension. Du Kant accroché à un mur.) Elle dit essayer de faire en sorte que ni l'horizontalité ni la verticalité n'ait vraiment d'importance et j'ai déjà parlé de sa volonté de « calmer le jeu ». Pour que la peinture devienne quelque chose qui doit être contemplé plutôt que décodé, et que sa signification puisse être déployée à travers toute sa surface, elle dit : « Il faut commencer doucement, avec seulement quelques traces, sinon elle se remplit trop rapidement ». Elle qualifie cette résistance à un remplissage trop rapide d'« anticlaustrophobique » et décrit Molly's Soliloquy, 1991, comme une peinture flirtant avec la claustrophobie. J'ai déjà comparé ailleurs Molly's Soliloquy à la capacité qu'ont les écrans électroniques de priver la forme de toute substance. Si elle flirte avec la claustrophobie, je pense que c'est parce qu'elle amène la densité à une convergence maximale avec l'ouverture et la luminosité.

Le temps occupe une place importante dans ces peintures, car c'est lui qui est à la fois annulé et intensifié dans la fluidité des traces lentement accumulées pour former la surface. Toutes les propriétés et qualités rendues visibles dans ces tableaux - le poids d'un type de peinture contre la légèreté d'une autre, l'épaisseur du gros lin en opposition avec la fine couche de peinture vaporisée par-dessus qui l'interrompt, l'utilisation de couches inextricables les unes des autres en raison de leur translucidité et des taches de peinture saupoudrées sur la surface de telle sorte qu'on pourrait croire qu'elles flottent dedans et dessus - servent l'objectif de Haynes de remplacer le réel par l'absolu. L'espace de la peinture devient un lieu de rencontre avec le temps réversible, autrement dit un lieu d'équilibre. La réversibilité est ce que l'art peut faire que le réel ne peut pas. Le début peut venir à la fin, notamment lorsque sa réalisation constitue une issue, le dénouement d'une concrétisation dans le néant de l'ambiguïté dont le potentiel est à l'origine du tableau. Si ce qui se déploie (comme un repli de vides à l'intérieur et à côté de vides, des traces derrière d'autres traces, mais devant d'autres l'instant d'après) dans l'espace absolu et, par conséquent dans le temps (il ne peut y avoir d'espace sans temps) chez Haynes ne se produit nul par ailleurs, il n'est pas non plus certain que cela se produise là. Comme chez Seurat, je vois dans les tableaux de Haynes une expérience de mouvement invoqué par la surface plutôt que des traces d'actions déjà prises - il s'agit davantage de voir où mène le processus plutôt que ce qui y conduit, même si, bien sûr, l'un ne va pas sans l'autre. Réalisés lentement afin d'être observés lentement, ils ne communiquent pas le temps compressé ou étendu, mais réversible. En les regardant, le spectateur voit un temps suspendu, le rapide ralenti et étendu, mais aussi le lent projeté dans une certaine simultanéité, qui disparaît systématiquement et immédiatement, laissant derrière lui des traces de son passé (comme gommé) et un espace composé d'une finesse impénétrable le faisant apparaître (le tangible vidé, l'espace dilué).

Ce qui transparaît en regardant un tableau de Haynes n'est pas le dénouement - sauf dans le sens où c'est toujours par là que la peinture commence -, mais le potentiel incontrôlable contenu dans le refus de voir les surfaces comme des choses, mais bien comme des lieux et des surfaces planes. Des surfaces planes auxquelles elle a donné une forme particulière (informe), dans laquelle la couleur et la trace s'allient pour suspendre la planéité dans un espace (dé)fait par elle-même et, en même temps, le début et la fin - ainsi que le jeu et l'œuvre - dans l'équilibre temporel impossible, ou absolu, qui permet de passer sans peine de l'un à l'autre.

Jeremy Gilbert-Rolfe
À la fois peintre et critique d'art, Jeremy Gilbert-Rolfe a reçu en 1998 le prix Frank Jewett Mather décerné par la College Art Association pour récompenser les critiques d'art et d'architecture.



Une artiste brillante
de Barbara MacAdam

Son atelier dans le quartier de Red Hook, cette zone industrielle de Brooklyn, est pour Nancy Haynes à la fois une fierté et une angoisse. Malgré les inondations et les invasions d'étourneaux, d'écureuils et d'autres prédateurs, naturels ou non, Haynes a réussi à garder l'endroit propre et en bon état. Sans prétention, mais à l'allure très professionnelle si on omet le grand sofa blanc avachi, l'atelier s'ouvre sur un jardin volubile et soigné.

« Cela m'ennuie quand les gens disent que mon travail est inspiré par la nature. Ce n'est pas le cas ! », insiste Haynes en évoquant ses peintures abstraites d'inspiration minimaliste, souvent dans des nuances de vert et de jaune. À moins que ce qu'ils détectent ne soit l'influence du « carnage des royaumes souterrains », cette société fertile et grouillante de vers et d'insectes, plaisante-t-elle.

Depuis 18 ans, Haynes utilise dans ses peintures un pigment gris verdâtre à base de soufre qui doit être chargé au contact de la lumière puis regardé dans l'obscurité. À mesure que la lueur s'estompe, les formes changent. Ce type de peinture « fugitive » présente un paradoxe : une présence qui est aussi une absence. Elle « vous oblige à combler ce que vous ne pouvez pas voir », explique Haynes. « Un peu comme ce souvenir fugace que vous êtes certain d'avoir vécu, mais que vous ne parvenez pas à situer précisément. »

Haynes se drape, comme ses peintures, dans la subtilité de ce qui semble être un minimalisme sans concession. Vêtue d'un jeans, les pans d'une chemise dépassant de son pull en cachemire, la cinquantenaire affiche un look plutôt bohème chic. L'année 1998 a été particulièrement bonne pour l'artiste. Elle a exposé en Europe et aux États-Unis, dans des lieux tels que la Lawing Gallery à Houston au Texas, avec laquelle elle est associée depuis longtemps, les galeries Hubert Winter à Vienne et à Berlin, ou encore la Galerie von Bartha à Bâle. Elle était également présente lors d'une grande exposition organisée à l'Arthur M. Sackler Museum de l'université de Harvard à Cambridge, ainsi qu'à une autre à l'Aldrich Museum of Contemporary Art à Ridgefield. Et pour couronner le tout, elle vient de conclure un accord avec la Stark Gallery de New York.

Toutes ces activités se reflètent dans la configuration perpétuellement changeante de son atelier. Sur les étagères parfaitement alignées, une multitude de tableaux allant de simples petits diptyques géométriques de la fin des années 60 à de grandes toiles avec des nuées de traces inclinées. Sur
Expositions de groupe à la galerie
Feed the Meter, Wandhaff
23 septembre - 16 décembre 2017


Expositions personnelles

2012
the painting undressed - selections from the autobiographical color chart series, 3A Gallery, New York, Etats-Unis
George Lawson Gallery, Los Angeles, Etats-Unis

2010
George Lawson Gallery, San Francisco, Etats-Unis

2009
dissolution, Elizabeth Harris Gallery, New York, Etats-Unis

2006
Galerie Hubert Winter, Vienne, Autriche

2002
Galerie Hubert Winter, Vienna, Autriche

2000
Between Two Appearances, Stark Gallery, New York, Etats-Unis

1998
Galerie von Bartha, Bâle, Suisse
Galerie Hubert Winter, Vienna, Autriche
Monotypes, Galerie Mathias Kampl, Munich, Allemagne
Lawing Gallery, Houston, Etats-Unis

1995
Endgame, Brain Coral, Lawing Gallery, Houston, Etats-Unis
Monotypes, Pamela Auchincloss Gallery, New York, Etats-Unis

1993
John Good Gallery, New York, Etats-Unis

1992
The Chrysler Museum of Art, Norfolk, Etats-Unis

1991
The Lacuna of Certainty, The Long Beach Museum of Art, Long Beach, Etats-Unis
John Good Gallery, New York, Etats-Unis
Genovese Annex, Boston, Etats-Unis

1990
John Good Gallery, New York, Etats-Unis
Monotypes, Pamela Auchincloss Gallery, New York, Etats-Unis

1989
John Good Gallery, New York, Etats-Unis

1987
Julian Pretto Gallery, New York, Etats-Unis

1986
John Gibson Gallery, New York, Etats-Unis

1985
John Gibson Gallery, New York, Etats-Unis
Plus-Kern Gallery, Bruxelles, Belgique
Haags Gemeentemuseum, La Haye, Pays-Bas

1984
.S. 1 Project Room, Long Island City, Etats-Unis

1983
David Bellman Gallery, Toronto, Canada

1981
David Bellman Gallery, Toronto, Canada

Expositions collectives

2012
Cool, Calm, Collected, Danese Gallery, New York, Etats-Unis
Letters Not About Love: EJ Hauser, Nancy Haynes and Sarah Peters, Commissaire d'exposition: Yevgeniya Baras, Regina Rex Gallery, Bushwick, Brooklyn, New York, Etats-Unis
art=text=art: works by contemporary artists, Commissaire d'exposition: N. Elizabeth Schlatter and Rachel Nachman, Zimmerli Art Museum, Rutgers University, New Brunswick, New Jersey, Etats-Unis
MIC; CHECK, group exhibition, Sideshow Gallery, Brooklyn, Etats-Unis

2011
Art=Text=Art: Works by Contemporary Artists, Joel & Lila Harnett,Museum of Art, University of Richmond Museums, Virginia, Etats-Unis
it's all good!! apocalypse now, group exhibition, Sideshow Gallery, Brooklyn, Etats-Unis

2010
New York, encore selections from gallery artists, George Lawson Gallery, San Francisco, Etats-Unis

2009
the viewing room, Lesley Heller Gallery, New York, Etats-Unis

2008
Lesley Heller Gallery, New York, Etats-Unis
Dimensions in Nature: New Acquisitions, 2006-2008, organized by Betti-Sue Hertz and Erica Overskei San Diego Museum of Art, San Diego, Etats-Unis

2007
Written on the Wind: The Flag Project, Rubin Museum, New York, Etats-Unis
Monumental Drawings, Commissaire d'exposition: Barbara MacAdam, Blue Star Contemporary Art Center, San Antonio, Etats-Unis

2006
Faith, Commissaire d'exposition: James Hyde, Real Art Ways, Hartford, Etats-Unis
The Independents, Commissaire d'exposition: Judith Selkowitz, 499 park avenue, Etats-Unis

2005
The Mark of Minimalism: Gifts of Work on Paper from Sarah-Ann and Werner Kramarsky, Hood Museum of Art, Dartmouth College, Etats-Unis
Fine Lines from the collection of Wynn Kramarsky, Santa Barbara Contemporary Arts Forum, Santa Barbara, Etats-Unis

2004
The Invisible Thread: Buddhist Spirit in Contemporary Art, Commissaire d'exposition: Robyn Brentano, Olivia Georgia, Roger Lipsky, and Lilly Wei, Newhouse Center for Contemporary Art, Snug Harbor Cultural Center, Staten Island, Etats-Unis
Priority, Art in General Gallery, New York, Etats-Unis
Flag Project, Commissaire d'exposition: Arlene Shechet and Kiki Smith, Rubin Museum of Himalayan Art, New York, Etats-Unis
Art for a Landmine Free World, Commissaire d'exposition: Kiki Smith PaceWildenstein Gallery, New York, Etats-Unis

2002/03
Drawings of Choice from a New York Collection, Krannert Art Museum, University of Illinois, Champaign-Urbana, traveled to: The Arkansas Arts Center, Little Rock, AR; Georgia Museum of Art, University of Georgia, Athens, GA; Bowdoin College Museum of Art, Brunswick, ME; Cincinnati Museum of Art, Cincinnati, Etats-Unis

2003
Of Collage: The Artist as Collector, The John A. Schweitzer Collection, Stewart Hall Art Gallery, Pointe-Claire, Québec, Canada
Selections from the Permanent Collection, Museum of Contemporary Art, North Miami, Florida, Etats-Unis

2002
Made in Brooklyn, Commissaire d'exposition: Chris Martin and Nellie Appleby, S.Cono Pizzeria, Brooklyn, New York, Etats-Unis
Recent Acquisitions, Museum of Fine Arts, Houston, Texas, Etats-Unis
Glow: Aspects of Light in Contemporary American Art, Commissaire d'exposition: : Francis Colpitt, Artpace, San Antonio, traveled to: The University of Texas at San Antonio Art Gallery, The Jones Center for Contemporary Art, Austin, Texas, University of North Texas Art Gallery, Denton, Texas, Etats-Unis

2001
Abstraction and Immanence, Commissaire d'exposition: Laura Sue Phillips and Vincent Longo, Times Square Gallery, Hunter College, New York, Etats-Unis
Fifteen Years of Painting, Stark Gallery, New York, Etats-Unis
Cinema Studies, Commissaire d'exposition: Aruna D'Souza, Lucas Schoormans Gallery, New York, Etats-Unis
Monochrome/Monochrome?, Commissaire d'exposition: Lilly Wei, Florence Lynch Gallery, New York, Etats-Unis

2000
Not Seeing, Lawing Gallery, Houston, Etats-Unis
trans-luzid, Commissaire d'exposition: Klaus Dieter Zimmer, Galerie Eugen Lendl, Graz, Autriche
Five Masterpieces, Galerie Von Bartha, Bâle, Suisse
A Decade of Collecting, Recent Acquisitions of Prints and Drawings, Arthur M. Sackler Museum, Harvard University Art Museums, Cambridge, Etats-Unis

1999
Then & Now, Commissaire d'exposition: Theresa Chong, The Work Space, New York, Etats-Unis

1998
A Common Thread, Littlejohn Contemporary, New York, Etats-Unis
Large Scale Drawings from the Collection of Wynn Kramarsky, Aldrich Museum of Contemporary Art, Ridgefield, Etats-Unis

1997/01
Drawing is another kind of language, Recent American Drawings from a New York Private Collection, Harvard University Art Musueums, Cambridge, Etats-Unis
Kunstmuseum Winterthur, Kunst Museum Ahlen, Akademieder Kunste, Berlin, Allemagne
Fonds régional d'art contemporain de Picardie and Musee de Picardie, Amiens, France
Parrish Art Museum, Southampton, New York, Etats-Unis
Lyman Allyn Art Museum, New London, Etats-Unis
Mary and Leigh Block Museum of Art, Commissaire d'exposition: James Cuno, Northwestern University, Evanston, IL, The Contemporary Museum, Honolulu, Etats-Unis

1997
Abstraction Index, Condeso/Lawler Gallery, New York, Etats-Unis
After the Fall: Aspects of Abstract Painting since 1970, Commissaire d'exposition: Lilly Wei, Newhouse Center for Contemporary Art, Snug Harbor Cultural Center, Staten Island, Etats-Unis

1996
Art Show, Commissaire d'exposition: Ted Porter, Ryall/Porter Architects, New York, Etats-Unis
Colorfield to New Abstraction, Rose Art Museum, Brandeis University, Waltham, Etats-Unis
Formal Abstraction / New York, Commissaire d'exposition: Robert Kingston, Ruth Bachofner Gallery, Santa Monica, Etats-Unis

In Black & White, Numark Gallery, Washington, DC, Etats-Unis
Silence, Lawing Gallery, Houston, Etats-Unis
The Julian Pretto Collection, Wadsworth Atheneum, Hartford, Etats-Unis
Ronald Bladen, Nancy Haynes and Olivier Mosset, John Gibson Gallery, New York, Etats-Unis

1995/96
Printmaking in America--Collaborative Prints and Presses 1960- 1990, The Jane Voorhees Zimmerli Art Museum, Rutgers, New Brunswick, Etats-Unis
Mary and Leigh Block Gallery, Northwestern University, Evanston, Etats-Unis
National Museum of American Art, Smithsonian Institute, Washington, DC, Etats-Unis

1995
Alchemy, Commissaire d'exposition: Harvey Quaytman, Proctor Art Center, Bard College, Annandale-on Hudson, Etats-Unis
Changing Perspectives, Contemporary Arts Museum, Houston, Etats-Unis
Abstraction from Two Coasts, Lawing Gallery, Houston, Etats-Unis
Four Generations, Commissaire d'exposition: Jeremy Gilbert-Rolfe, Woodbury University, Glendale, Etats-Unis
Group Exhibition, Pamela Auchincloss Gallery, New York, Etats-Unis
Julian's Show, Commissaire d'exposition: Julian Pretto, Littlejohn Contemporary, New York, Etats-Unis
New York Abstract, Contemporary Arts Center, New Orleans, Etats-Unis
Abstract Painting, Commissaire d'exposition: Pat Steir, Christinerose Gallery, New York, Etats-Unis

1994
Paint, The Rotunda Gallery, Brooklyn, Etats-Unis
Contemporary Abstract Painting, Grant Gallery, Denver, Tavelli Gallery, Aspen, Etats-Unis
Fall Group Exhibition, John Good Gallery, New York, Etats-Unis
Visiting Artistry, Carpenter Center for the Visual Arts, Harvard University, Cambridge, Etats-Unis
Prints of Darkness, Fogg Art Museum, Harvard University, Cambridge, Etats-Unis
Some Like it Cool, Barbara Krakow Gallery, Boston, Etats-Unis

1993
Drawings From 55 Ferris Street, Commissaire d'exposition: Frederieke S. Taylor, Jessica Berwind Gallery, Philadelphia, Etats-Unis
Summer Group Exhibition, John Good Gallery, New York, Etats-Unis
Single Frame, John Good Gallery, New York, Etats-Unis
Silent Echoes, Commissaire d'exposition: Christian Haub, Tennisport Arts, Long Island City, New York, Etats-Unis
Abstrategies, Commissaire d'exposition: Genevieve Linnehan, Dunedin Fine Arts and Cultural Center, Tampa, Etats-Unis

1992
Singular and Plural: Recent Accessions, Drawings & Prints 1945-1991, Commissaire d'exposition: Barry Walker, The Museum of Fine Arts, Houston, Etats-Unis
Summer Becomes Eclectic, Mars Gallery, Tokyo, Japon
Contemporary Surfaces, Commissaire d'exposition: Rick Ward, Pamela Auchincloss Gallery, New York, Etats-Unis
55 Ferris Street Show, Commissaire d'exposition: Frederieke S. Taylor, 55 Ferris Street, Brooklyn, Etats-Unis
Eighties, John Gibson Gallery, New York, Etats-Unis
The Clearobscure, Genovese Graphics Annex, Boston, Etats-Unis
Essential Gestures, Pamela Auchincloss Gallery, New York, Etats-Unis
Nancy Haynes, Mike Metz, Thomas Nozkowski, and Joyce Robins, 55 Mercer Gallery, New York, Etats-Unis
Group Exhibition, Galleria Plurima, Milan, Italie

1991
American Abstraction at the Addison, Addison Gallery of American Art, Phillips Academy, Andover, Etats-Unis
La Metafisica Della Luce, Commissaire d'exposition: Demetrio Paparoni, John Good Gallery, New York, Etats-Unis
Synthesis, John Good Gallery, New York, NY, Tavelli Gallery, Aspen, Etats-Unis
Drawing Exhibition, Stark Gallery, New York, Etats-Unis
Monotypes from the Garner Tullis Workshop, Thomas Segal Gallery, Boston, Etats-Unis
Works on Paper, John Good Gallery, New York, Etats-Unis
The Fetish of Knowledge, Commissaire d'exposition: James Hyde, Real Art Ways, Hartford, Etats-Unis
AC Project Room, New York, Etats-Unis
Monotypes, Galleria Plurima, Milan, Italie

1990
Artists for Amnesty, Blum Helman Gallery, New York, Etats-Unis
A Question of Paint, Hallwalls Contemporary Art Center, Buffalo, Etats-Unis
Act-Up Auction for Action Aids Benefit Exhibition, Paula Cooper Gallery, Etats-Unis Unique Works on Paper, Commissaire d'exposition: Werner H, Kramarsky, Memorial Art Gallery, University of Rochester, Rochester, Etats-Unis
Contemporary Fresco, Stark Gallery, New York, Etats-Unis
Provocative Abstraction: New Painting New York, Karl Bornstein Gallery, Santa Monica, Etats-Unis
Group Exhibition, Stark Gallery, New York, Etats-Unis
Homage to the Square, Nohra Haime, New York, Etats-Unis

1989
The Dark Sublime: Art at the End of Our Century, Scott Alan Gallery, Etats-Unis
American Abstract Artists, 55 Mercer Gallery, New York, Etats-Unis
Expressive Geometries, Thomas Segal Gallery, Boston, Etats-Unis
Post-Modern Painters, John Good Gallery, New York, Etats-Unis
Fundamental Abstraction, Haines Gallery, San Francisco, Etats-Unis
Methods of Abstraction, Gallery Urban, New York, Etats-Unis
The Mirror in which Two are Seen as One, Jersey City Museum, Jersey City, Etats-Unis
Nonrepresentation: The Show of the Essay, Commissaire d'exposition: Jeremy Gilbert-Rolfe, Anne Plumb Gallery, New York, Etats-Unis
Abstraction and Image: Drawing Within, Leubsdorf Gallery, Hunter College, New York, Etats-Unis
Slate, E.L. Stark Gallery, New York, Etats-Unis

1988/89
New York Now, Esbo Museum of Art, Finland & Norrkopings Konstmuseum, Goteborgs Museum, Sunsvalls Museum, Sodertalje Konsthall, Suède
The Presence of Abstraction, Commissaire d'exposition: Phyllis Plous, University Art Museum, Santa Barbara, Block Art Gallery, Northwestern University, Chicago, Desaisset Museum, Santa Clara, Etats-Unis

1988
Real Abstract, John Good Gallery, New York, Etats-Unis
The Gold Show, Genovese Graphics, Boston, Etats-Unis
Nancy Haynes, Donald Judd, Carole Seborovski, John Good Gallery, New York, Etats-Unis
Out of Order, Commissaire d'exposition: Christian Haub, Anne Plumb Gallery, New York, Etats-Unis
Formal, The Dart Gallery, Chicago, Etats-Unis
The New Generation, Commissaire d'exposition: Werner H. Kramarsky, Elaine Benson Gallery, Bridgehampton, Etats-Unis
Black in the Light, Genovese Graphics, Boston, Etats-Unis
Group Exhibition, Plus-Kern Gallery, Bruxelles, Belgique

1987
Lieu, Project D'Exposition, Liege, Belgique
Black, Eric Siegeltuch Gallery, New York, Etats-Unis
Rigor, Commissaire d'exposition: Stephen Westfall, John Good Gallery, New York, Etats-Unis
Abstract Painting, Asher-Faure Gallery, Los Angeles, Etats-Unis
Plus-Kern '69-'86, Museum van Hedendaagse Kunst, Gand, Belgique
American Abstract Artists, New York Cultural Center, New York, Etats-Unis
Group Exhibition, John Gibson Gallery, New York, Etats-Unis

1986
Plus-Kern Gallery: Ten Years, Vereniging Museum, Hedenaagse Kunst, Gand, Belgique
Geometry Now, Commissaire d'exposition: Ruth Kaufmann, Craig Cornelius Gallery, New York, Etats-Unis
Group Exhibition, Angles Gallery, Los Angeles, Etats-Unis
Group Exhibition, Commissaire d'exposition: Lilly Wei, Kingsboro Community College, New York, Etats-Unis

1985
Sculpture Center Group Exhibition, Ben Shahn Gallery, William Patterson College, New Jersey, Etats-Unis
Abstract Issues, Commissaire d'exposition: Steven Henry Madoff, Oscarsson Hood Gallery, New York, Etats-Unis
Group Exhibition, The Sculpture Center, New York, Etats-Unis

1983
Benefit, A.I.R. Gallery, New York, Etats-Unis
Group Exhibition, Jourdan Arpelle Gallery, New York, Etats-Unis
Artists Choose Artists, CDS Gallery, New York, Etats-Unis

1982
Crucifix Show, Barbara Gladstone Gallery, New York, Etats-Unis
Benefit, A.I.R. Gallery, New York, Etats-Unis
The First Ten Years of Collecting, The Chase Manhattan Bank, New York, The Museum of Art, Atlanta, Etats-Unis
Recent Acquisitions, Haags Gemeentsmuseum, La Haye, Pays-Bas

1981
Benefit, A.I.R. Gallery, New York, Etats-Unis
Group Exhibition, Julian Pretto, Weehawken, New Jersey, Etats-Unis
Gallery Artists, David Bellman Gallery, Toronto, Canada
Heresies, Grey Art Gallery, New York University, New York, Etats-Unis
June Fever, Susan Caldwell Gallery, New York, Etats-Unis

1980
Inaugural Exhibition, David Bellman Gallery, Toronto, Canada
In the Spirit of Constructivism, Janus Gallery, Los Angeles, Etats-Unis
Group Exhibition, Susan Caldwell Gallery, New York, Etats-Unis

1978
Group Exhibition, Commissaire d'exposition: Poppy Johnson, The Hundred Dollar Gallery, New York, Etats-Unis
2004
"Art for a Landmine Free World," Silent Auction, PaceWildenstein, October 2004, illustration

2002
Alfred MacAdam, "Nancy Haynes - Illusion and Absence - Paintings: exhibition catalogue, Galerie Hubert Winter, May - June

2001
Art Omni International, "Francis J. Greenburger Awards/2001," Lilly Wei on Nancy Haynes, illustration

2000
Wei, Lilly, "Nancy Haynes at Stark Gallery," Artnews, June
McDonough, Tom, "Nancy Haynes at Stark Gallery," Art in America, October

1999
Ebert, Hitrud, "Schone ote Spreache," Made in USA, Freitag 12, March
MacAdam, Barbara, "Something to Glow On," Artnews, Summer
Weidle, Barbara, "Letter from Barbara," Artnet.com, Summer

1998
Jeremy Gilbert-Rolfe, "Endspace: From a real to an absolute - Nancy Haynes' paintings 1974 - 1998," Edition Fondation Leschot, Bern, Switzerland

1997
Petry, Michael. Art & Design - "A Thing of Beauty is... ", Profile No. 54, page 13, illustration Worth, Alexi. "After the Fall - Aspects of Abstract Painting since 1970," Artnews, October.
"After the Fall - Aspects of Abstract Painting since 1970," exhibition catalogue, Newhouse Center of Contemporary Art, Snug Harbor Cultural Center, Staten Island, NY, curated by Lilly Wei, illustration

1996
Castle, Frederick, Ted. "Ronald Bladen, Nancy Haynes and Olivier Mosset," Review, AprFrank, Peter. ArtScene, April.
Gilbert-Rolfe, Jeremy. Art & Design . "Cabbages, Raspberries and Video's Thin Brightness, - Painting in the Age of Artificial Intelligence," Profile No. 48 (May/June), pages 14-23, illustration
Protzman, Ferdinand, "Minimalists with Maximum Skill," The Washington Post, June 8.

1995
Gilbert-Rolfe , Jeremy. "IIII Generations," exhibition catalogue, Woodbury University Art Gallery, Burbank, illustration
Lew Thomas. "New York Abstract," Contemporary Arts Center. exhibition catalogue, New Orleans, illustration Yau, John.
"Out of the Cul de Sac and into the Fire," exhibition catalogue for Abstraction from Two Coasts, Lawing Gallery, March, illustration

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1993
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Braff, Phillis. "New Generation Shows Its Colors," The New York Times, May 22, Page 26
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Russell, John. The New York Times, June 10
ABCRIT - JEREMY GILBERT-ROLFE WRITES ON NANCY HAYNES AT REGINA REX, NEW YORK - 2017
ABCRIT - Jeremy Gilbert-Rofle
01 avril 2017
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HYPERALLERGIC - Nancy Haynes nous invites à regarder de plus près - 2017
HYPERALLERGIC - John Yau
01 janvier 2017
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ART NEWS - Nancy Haynes - 2013
ART NEWS - Suzanne Muchnic
01 fèvrier 2013
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LOS ANGELES TIME - L'intelligence sensuelle de Nancy Haynes - 2012
LOS ANGELES TIME - Leah Ollman
22 octobre 2012
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SAN FRANCISCO CHRONICLE - Haynes vaut la peine d'être connu - 2010
SAN FRANCISCO CHRONICLE - Kenneth Baker
15 mai 2010
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Feed the Meter Vol. 2
Feed the Meter Vol. 2
12 décembre 2017