Alina Bliumis

Florephemeral

21 mars - 27 avril 2024

Alina Bliumis

Florephemeral

21 mars - 27 avril 2024




 

« Aux premiers stades, microbiens, de l'évolution, toutes les espèces avaient la même vie. Elles partageaient le même corps et les mêmes expériences. Tout ce que nous sommes aujourd’hui - que nous soyons un éléphant ou un chêne, un lion ou un champignon - était concentré dans cette même vie qui s'est d'abord détachée de la matière silencieuse. Pendant des milliards d'années, cette vie a été transmise de corps en corps, d'individu en individu, d'espèce en espèce, de royaumes en royaume. » Emanuele Coccia, Toutes les espèces ont la même vie, magazine GRANTA, n°151, avril 2020


La galerie Ceysson & Bénétière a le plaisir de présenter Florephemeral, une exposition personnelle de l'artiste New-Yorkaise Alina Bliumis, du 21 mars au 27 avril 2024. Il s’agit de la toute première exposition de cette artiste à la galerie. 


Les hommes ont passé toute leur histoire à chercher ce qui définissait l’humain en propre, si du moins quelque chose le définit- ce qui nous sépare du reste du monde naturel. D'abord, c’était son âme, puis son intelligence, puis sa conscience, parmi de nombreuses hypothèses, chacune plus floue que la précédente. L’un après l’autre, les philosophes ont démêlé ces distinctions jusqu'à ce qu'il ne reste plus que la quête d'exceptionnalité elle-même. L'idée tenace que nous sommes à part semble être la seule chose qui nous distingue réellement.


Dans sa série Endangered, Alina Bliumis développe un propos qui met radicalement en question cet élan humain, affirmant que la caractéristique fondamentale de la vie, de l'histoire et de l'évolution de l'humanité est d’être intrinsèquement liées avec le destin du monde naturel. Commencée en 2022, cette série de dessins à l'aquarelle rassemble seize portraits d’espèces florales en voie de disparition ou disparues présentés dans des cadres en bois sculptés à la main sur mesure. Cette série sera accompagnée d’une sélection de petites études de portraits floraux réalisées par l'artiste spécialement pour l'exposition. Ici, le terme "portrait" est utilisé à dessein, car les œuvres - qui semblent des dessins botaniques à première vue - cachent en réalité des visages et des éléments anthropomorphiques. En personnifiant ces fleurs, Alina Bliumis les investie d’une subjectivité et donne à leurs histoires un caractère individuel.    


Les histoires racontées par ces œuvres ont souvent pour inspiration les contes populaires indigènes des pays d'origine de chacune des plantes, et puisent dans leurs propriétés mystiques ou curatives. Ce sont ces propriétés qui ont poussé les hommes à la surexploitation de ces plantes. En conjonction avec les effets délétères du changement climatique et de la destruction des habitats de la faune indigène, la surexploitation de ces plantes a conduit à leur mise en danger et à leur extinction. Une nouvelle qui, de prime abord, nous affecte moins que celle de l'extinction d'une espèce animale par exemple. Ce n'est cependant qu'une fonction de la distance que nous percevons entre l’homme et la plante. Notre empathie diminue à mesure que l’écart se creuse sur l'arbre de la vie. C'est dans ce contexte que la mission que s’est donné Alina Bliumis prend tout son sens. Si nous pouvions rendre ces plantes plus proches, plus familières, et si nous pouvions raconter leurs histoires, nous pourrions peut-être prendre conscience de notre destin commun. Nous pourrions potentiellement changer la trajectoire de ces espèces ou rendre hommage à celles que nous avons déjà perdues. 


Le fait que chaque cadre soit sculpté à la main et rendu unique est également une manière de souligner la subjectivité de chaque plante et le respect qui leur est dû. Alors que les dessins botaniques traditionnels sont généralement présentés sous formes de livres in-folio ou de planches illustratives, les cadres en bois sculptés sont associés à la royauté et à l’art du portrait. Ces cadres présentent souvent eux-mêmes des détails mettant en avant les caractéristiques et la personnalité de chaque fleur. La texture ondulée pareille à un tissu de l’Arum titan trouve un écho dans les plis sculptés du bois. Entourée de vagues fluides, l'Ixia viridiflora semble délicatement balayée par le vent. Le cadre du Cypripède royal semble couronner la fleur de formes qui rappellent celle de ses pétales. L'artiste dessine avec un soin extrême le design de chaque cadre à échelle avant de l'envoyer à des maîtres sculpteurs sur bois qui les réalisent à la main. Il y a aussi quelque chose de poétique à vouloir garder en vie des métiers d’art en voie de disparition comme la sculpture sur bois. Ici aussi, l'avenir de la fleur et le nôtre se trouvent intrinsèquement liés.


Florephemeral nous invite à nous reconnaître dans des créatures tellement différentes qu'elles nous semblent parfaitement étrangères, à nous intéresser à leur survie, et partant, à la nôtre. Si nous parvenons à voir l'humour, le chagrin, l'histoire et l’espièglerie de ces fleurs, nous pourrons peut-être enfin comprendre notre lien profond à la nature et la manière dont, selon les mots de l'écrivain Emanuele Coccia, « tout ce que nous sommes aujourd’hui était concentré dans cette même vie qui s'est d'abord détachée de la matière silencieuse. »


Francesca Pessarelli, Février 2024

 




Artiste de l'exposition : Alina Bliumis


Informations Pratiques

Ceysson & Bénétière
956 Madison Avenue
10021 New York


T: +1 646 678 3717