Robert Morris

Né en 1931, à Kansas City, États-Unis.
Vit et travaille à New York, États-Unis.

Formation

1966
Hunter College, New York, États-Unis
Une œuvre saisissante. Elle est faite d'une pièce de feutre épais de quatre mètres cinquante trois de large et de deux mètres cinquante cinq de hauteur. Fendue cinq fois partiellement dans le sens de la largeur à intervalles réguliers depuis son haut, elle est fixée au mur par deux points d'attache, en haut à gauche et en haut à droite. Le poids de ce matériau épais et dense entraine donc un effet de cintre qu'accentuent les cinq incisions décidées par l'artiste qui la découpent partiellement en bandes égales. La partie de la bande du bas reposant sur le sol supporte donc le poids du feutre, en limite l'effet de cintre et achève, en quelque sorte, la détermination de la forme, radicalement opérée par la découpe des cinq bandes et le poids du matériau. Mais le feutre, son épaisseur et sa densité y contribuent, en est l'origine. Si j'insiste ainsi sur la matérialité génératrice de cette œuvre, c'est parce qu'elle est, d'une certaine manière, le modèle du paradigme de l'art d'un moment. Cette Felt pièce est la parfaite illustration de l'art minimal. Mais elle a conforté dans leurs convictions nombre d'autres expérimentations esthétiques dont, en France, celles entreprises par les protagonistes de Supports/Surfaces, au même moment. Plus que les structures primaires de Judd ou de LeWitt, c'est la prise en compte, par Robert Morris, des matériaux dans la configuration et l'organisation des formes qui les a intéressés. Daniel Dezeuze, après avoir vu des feutres de Robert Morris, en 1968, en a retenu la liaison sol/mur engendrant la forme. Il en reprend la même année le procédé, mais à d'autres fins et d'autres paramètres. Il le mentionne en tout cas dans une lettre à Claude Viallat qui découpera à l'instar de Robert Morris une large pièce de drap, mais s'emploie plutôt à jouer sur la vibration de la couleur entre les parties de la toile peinte et le mur blanc que l'effet de cintre provoque. Et d'une certaine manière cette œuvre a conforté les jeux de fentes partielles et de poses d'entretoises entre les deux parties d'une branche d'arbre fendue qui caractérisent les premières œuvres de Toni Grand.

Ce sont les raisons de mon coup de cœur. Mais pas seulement. J'aime cette œuvre pour sa radicalité et l'énergie qu'elle dégage lorsque nous nous tenons face à sa face. Elle nous impose son efficacité visuelle. Elle peut se lire d'abord par le dessin tendu et quasiment acéré né des découpes de sa matière. Il y a bien eu, lors du découpage, un dessin. Mais nous ne le percevons pas en regardant la pièce. Aucun effet de style ou de manière. De même sa couleur puissante dans laquelle s'enfouit et s'obscurcit la lumière suppose une décision de peintre mais en rien un travail de peinture. Rien ne nous permet de décider ceci dit que cette œuvre est l'affirmation d'une fonctionnalité d'usage - même celle de fonctionner comme art. Si l'on se doit de rappeler que l'utilisation du feutre par Robert Morris est à peu près contemporain de son emploi par Joseph Beuys les rapprocher serait commettre un irréparable contresens. Joseph Beuys le réfère explicitement à sa biographie tout en l'impliquant dans ses rituels chamaniques. Une œuvre de Robert Morris n'entend ni véhiculer ni exprimer une idéologie. À peine suggère-t-elle ce que Daniel Dezeuze y retrouve et précise dans sa lettre à Claude Viallat : le rappel de l'œuvre de Fontana - le matériau lacéré - et le « all over » de Pollock - son étendue définie par les limites, le support, de la pièce de feutre utilisée. Certes, elle obéit à un dessein mais surtout pas pour nous exposer un concept que sa réalisation altérerait. Elle propose d'ailleurs moins une forme singulière qu'une antiforme dont la banalité défait toute convention. Contrairement aux aspirations de Sol LeWitt, Robert Morris s'emploie plutôt à déranger la mise en évidence de l'abstraction des concepts en « figurant » simplement les inéluctables embarras aporétiques que soulève et met en forme la prise en charge du réel par des trajectoires déclinées, souvent, dans des chorégraphies topologiques inattendues.

Robert Morris n'en est pas moins l'une des figures majeures de l'art minimal. Cloud, réalisée en 1962 en est l'une des œuvres inaugurales et fondatrices. Les définitions de l'art minimal ont souligné des points de rencontre entre quelques artistes américains d'une même génération. Aujourd'hui, après les avoir énoncés, l'historiographie s'emploie, dans un retour critique nécessaire à plutôt mettre en avant les différences et les singularités irréductibles. Mais, dans le même temps, la sociologie de l'art s'empresse de reconnaître en Europe, en France surtout, en Asie, au Japon tout particulièrement, des ruptures proches et tout aussi significatives d'un « moment » où les normes et les formes des traditions ont perdu toute substance et où les artistes renouent avec les « structures primaires », sources de « Renascences » préfigurant des Renaissances.

Bernard Ceysson
Expositions de groupe à la galerie
Sculptures, matières, matériaux, textures..., Hors les murs
10 septembre - 16 octobre 2016


Expositions (sélection)

2003
The Lemma LeadsM, Leo Castelli Gallery, New York, États-unis
Blind Time Drawings, Haim Chanin Fine Arts, New York, États-unis

2001 - 2002
Finch College Project, 1969, recreated and installed in the Whitney Museum exhibition "Into the Light," New York, États-unis


2002
Drawings, Leo Castelli Gallery, New York, États-unis
Melencolia II, a permanent site-specific installation in marble, Collaboration with Claudio Parmiggiani, Collection of Giuliano Gori, Fattoria di Celle, Santomato, Pistoia, Italie
Hegel's Owl, a permanent site-specific installation in Carrara, Italie

2000
Robert Morris: Early Felts, Leo Castelli Gallery, New York, États-unis
White Nights, Le Musée d'art contemporain, Lyon, France
Fiberglass, Lead, Felt 1963-1966, Ileana Sonnabend Gallery, New York, États-unis

1999
Robert Morris: Retrospective of Prints and Multiples 1952-1998, Maison Levanneur, Centre national de l'estampe et de l'art imprimé, Chatou, France
Labyrinth, Le Musée d'art contemporain, Lyon, France

1997 - 1998
Steel sculptures, Pietro Sparta Gallery, Chagny, France

1998
Robert Morris: Retrospective of Prints and Multiples 1952-1998, Cabinet des estampes du Musée d'art et d'histoire, Genève, Suisse
Mirror Works and the film Mirror, 1969, Le Musée d'art contemporain, Lyon, France
Robert Morris: The Rationed Years and Other New Work, Leo Castelli Gallery, New York, États-unis

1997
Horizons Cut: Between Clio and Mnemosyne, Leo Castelli Gallery, New York, États-unis
Tar Babies of the New World Order, Nuova Icona, Venice, Italie.

1995
Mirrors, Williams College Museum of Art, Williamstown, États-unis, Work in the collection of Williams College Museum of Art, Williamstown, États-unis
Robert Morris: The Mind/Body Problem, Retrospective Exhibition, the Deichtorhallen Museum, Hambourg, Allemagne
Steam, site-specific work filling the interior courtyard of the Musée d'art contemporain, Bordeaux, France
Tempora Caeca, installation of wall drawings and Blind Time IV: Drawing with Davidson, 1991, Fattoria di Celle, Santomato, Pistoia, Italie
Robert Morris: The Mind/Body Problem, Retrospective Exhibition, Musée national d'art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, France
ART ABSOLUMENT - Sculptures, structures et textures - 2016
ART ABSOLUMENT - Tom Laurent
20 septembre 2016
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Sculptures, Matières, Matériaux, Textures... Foetz, Luxembourg
Sculptures, Matières, Matériaux, Textures... Foetz, Luxembourg
10 septembre 2016