Geer Van Velde

L'œuvre de Geer van Velde évolue au gré des événements et des lieux. Après l'échec de l'exposition londonienne de 1938, il cherche, sous le soleil du midi, à intégrer et dépasser la forme: « Voir la réalité et l'abstraction en complément l'un de l'autre », disait à la fin des années 1920 son ami Ismaël de la Serna. C'est l'époque de la double paternité de Bonnard et de Villon, de l'importance de la sculpture dans son interrogation du réel -- le long voyage de Giacometti; de l'horizon et de la vie saisis depuis l'intérieur de l'atelier qui met le peintre au centre de l'univers tourbillonnant. A Cagnes, un jour, Bonnard avait dit à Geer devant un cerisier fleuri: « Chaque année quand il est en fleurs, je suis obligé de le peindre. » Ce à quoi Geer avait répondu: « J'ai vu une fois un arbre en fleurs, et c'est pour toujours. » Dialogue qui fut, plus tard, rapporté à Beckett qui le conclura d'un minimaliste: « Je n'ai jamais vu d'arbres en fleurs. »2 En fait, peu à peu, il scande l'espace et fragilise les couleurs qui se délavent. Pour lui comme pour Villon, avant, voire Van Gogh, la lumière du midi n'est pas un éclat qui aveugle, mais bien plus des frissons de vert, de gris et d'ocre. Une certaine fragilité qui marquera profondément les dernières œuvres du peintre.
Entre 1938 et 1944, Geer travaille les lignes, les structures qui organisent l'espace de la toile tandis que la couleur, gouaches ou reprises d'encre de Chine, est le tempo16.Bonnard lui a présenté Aimé Maeght, et c'est vers lui que le peintre se tourne lorsqu'il quitte Cagnes pour Cachan. Si l'exposition de 1946 n'est pas un succès, le peintre a cependant considérablement évolué. L'exemple le plus frappant est la toile majeure de ces années d'après-guerre, Méditerranée17. L'espace de la toile est agencé en formes géométriques, carrés, losanges, triangles, chacune traitée avec un soin minutieux. Le peintre se voue à la lenteur et fait naître une combinaison d'effusion, d'espace et de plénitude. Personne peu diserte, Geer avouera cependant toujours mener contre la toile une véritable « bagarre ». Il ne se décide à l'attaquer que lorsque l'idée en a pris forme et l'attaque ensuite sans relâche car, pour lui, « une toile n'est jamais finie. Si elle l'est, alors elle ne vous appartient plus. »2 Ainsi livre-t-il bataille sans que le fracas n'apparaisse sur le tableau. Témoigner de la fureur dans l'œuvre même, c'est à Bram que revient cette tache, principalement lorsqu'il se reconnaîtra dans les convulsions du mouvement Cobra.
Dans les années qui suivent, sa discipline technique et formelle va s'organiser autour du thème récurrent de l'Atelier. Fenêtres ouvertes sur le monde, il procède à une sorte d'« exploration-introspection », pour reprendre l'expression de Germain Viatte. Il n'est pas le seul à appréhender l'extérieur depuis le refuge de l'intérieur: Matisse s'y adonne dans sa série Intérieurs (1947-1949), Braque aussi (Suite IX des Ateliers, 1949-1956) comme Raoul Dufy avec L'atelier de l'impasse Guelma (1951-1952) voire Picasso qui en joue avec, entre autres, Femmes d'Alger et les Ménines. Pour Geer, c'est dans cette relation qu'il peut le mieux saisir le bruissement de la vie et le restituer dans le silence. Dans une démarche entièrement concentrée sur le rapport dedans/dehors, son regard découvre des échappées vers la lumière que son pinceau s'attache à matérialiser. Ainsi les Compositions de 1947-1953 apparaissent-elles comme conquêtes de l'espace et maîtrise des lignes, le tout recentré dans l'espace de la toile, de plus en plus carrée, où les tonalités délicates, cassées, orchestrent la matérialisation. « On regarde les toiles de Geer », écrit Gaëtan Picon, « et ce lieu périphérique devient tout à coup centre, capitale: on mesure ce que peuvent la patience et la rigueur, le silence d'une quête, la lente distillation du temps, l'approvisionnement des objets. »18 A la fin des années 40, l'artiste découvre les œuvres de Piet Mondrian. S'il y retrouve une commune recherche de structure d'espace, il n'ira pas plus loin sur ce chemin et ne rejoindra pas le Maître de De Stijl dans l'abstraction totale. Certes, son univers personnel intègrera l'épure, mais sans se couper totalement du réel ni laisser de côté cette dynamique de la maîtrise, du sens de la gravité et de l'équilibre qui jaillissent de toute confrontation avec la toile. En 1982, à la vue d'un petit dessin représentant un pèse-lettre19, Geneviève Breerette écrira dans Le Monde que le travail de Geer est « mesure, retranchement et mouvement. »
Expositions de groupe à la galerie
50: Les années fertiles, Luxembourg
30 juin - 31 août 2011


Livres (non exhaustif)
- Geer van Velde, par Germain Viatte, Paris, éditions Cahiers d'art, 1989.
- Un puits nommé plongeon, par Jacques Kober et Eugène Guillevic, éditions Le Pont de l'Epée, 1984.
- L'art abstrait, par Michel Seuphor, Paris, Maeght éditeur, 1971-1974, vol III et IV.
- L'art hollandais contemporain, par Paul Fierens, Paris, éditions Le Triangle, 1933.

Catalogues d'expositions (non exhaustif)[modifier]
- Bram et Geer van Velde, Hazan, Vanves, 2010, 360 p., (ISBN 9782754104845)
- Geer van Velde: dessins, éditions de la Réunion des musées nationaux, 2002.
- Geer van Velde: Exposition d'Antibes et de Colmar, éditions de la Réunion des musées nationaux, 2000.
- Geer van Velde: Exposition de la Galerie Louis Carré&Cie, éditions Galerie Louis Carre et Cie, 2000.
- Geer van Velde: Exposition d'Albi, éditions du Musée Toulouse-Lautrec, 1986.
- Geer van Velde: Exposition à la Galerie Louis Carré&Cie, éditions Galerie Louis Carré&Cie, 1982.
- Geer van Velde 1898-1977, peintures et œuvres sur papier, Préface de Bernadette Contensou, introduction de Patrice Bachelard, textes de Samuel Beckett, A.M - - - Hammacher et Piet Moget: Ma rencontre avec Geer van Velde., Paris, Musée d'art moderne de la Ville de Paris, Centre Pompidou, 1982.
- Geer van Velde: Exposition du Château de Ratilly, Éditions Zodiaque, 1972.
- Lanskoy et Geer van Velde: Exposition du Musée Galliéra, éditions du Musée Galliera, 1966.
- XVè Salon de Mai, éditions P.P.I. 1959.
- Geer van Velde, lithographies: textes de Roger Chastel et Frank Elgar, Collection « Derrière le Miroir » n°51, 1952.
- Bram van Velde et Geer van Velde, lithographies: textes de Samuel Beckett et Jacques Kober, Collection Derrière le Miroir n°11, 12, éditions Pierre à Feu (Galerie Maeght), 1948.
- De Matisse à Miró: texte de Michel Seuphor, Alès, P.A Benoît, 1948.
- Geer van Velde, lithographies: Le Noir est une couleur. Collection « Derrière le Miroir » n°1, éditions Pierre à Feu (Galerie Maeght), 1947.
- "Bram et Geer van Velde | Deux peintres, un nom", Catalogue de l'exposition (du même nom) du musée des Beaux-Arts de Lyon (17 avril - 2 août 2010) sous la direction de Rainer Michael Mason et Sylvie Ramond. Éd. Hazan. Lyon, 2010, 300 p.