The Surface of the East Coast : Différance
commissaire d'exposition : Marie Maertens
12 juillet - 29 septembre 2018The Surface of the East Coast : Différance
commissaire d'exposition : Marie Maertens
12 juillet - 29 septembre 2018
Ceysson & Bénétière New York est hereuse de présenté The Surface of the East Coast : Différance, une exposition organisée par Marie Maertens et en collaboration avec les galeries Emmanuel Barbault, Josée Bienvenu, The Chimney, OSMOS, et Turn.
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Les prémices de The Surface of the East Coast se sont esquissées à New York. En observant les œuvres d’artistes américains, qui remémoraient les questionnements formels de Supports/Surfaces - retour aux éléments constitutifs d’un tableau, interrogation sur la représentation et l’illusionnisme… - je me suis demandée s’ils connaissaient ce mouvement. Existait-il un lien entre ces deux générations d’artistes vivant dans un contexte historiquement, culturellement et politiquement différent ? Après Le 109, centre d’art contemporain de Nice, qui regroupa 24 plasticiens l’été dernier, l’exposition The Surface of the East Coast se déploie sous un autre format, plus intimiste, dans cinq galeries de Manhattan et pour une performance à Brooklyn.
Différance offre un dialogue inédit entre les artistes Joe Bradley, Louis Cane, Erik Lindman, Pierre Buraglio, Sam Moyer et Jean-Pierre Pincemin.
Le lien formel entre Joe Bradley et Louis Cane est l’un des plus fascinants. Pour autant, le plasticien américain n’avait, à l’époque de la création de ses robots en aplat de couleurs, pas eu connaissance du travail du support-surfacien qui l’avait précédé. Au-delà d’un lien plus étroit à l’art minimal américain, Bradley disait vouloir « construire » ses toiles, plutôt que de peindre ou dessiner. Rejoignant pourtant l’une des problématiques principales qui avait animé le groupe français à la fin des années 1960, il la réactivait au début des années 2000, où pouvaient se manifester comme point commun le rejet de la peinture figurative et un retour au matériau. L’emploi de la couleur, également chez Louis Cane, voulait être au cœur de l’œuvre, mêlant matrice et forme. Erik Lindman avait quant à lui découvert Pierre Buraglio durant l’exposition consacrée par la galerie Canada à la scène de Supports/Surfaces en 2014. Creusant déjà ces questions de states, accentuées par la superposition de ses propres toiles ou l’incorporation de fragments extérieurs, il reconnaît des solutions plastiques similaires en observant son aîné. Ce dernier a très tôt valorisé la récupération et intriquait fortement la pratique de l’atelier à la « vraie » vie. Débute alors comme un échange d’ordre plastique, qui n’a pas encore pris part dans la réalité car les deux plasticiens ne se sont jamais rencontrés. Cette recherche autour de l’objet trouvé est aussi exploitée par Sam Moyer, qui arpente les chantiers de construction ou des lieux en transition, trouvant des chutes ou des pierres non utilisées pour des projets architecturaux. Ces matériaux ont déjà leur propre histoire, et peuvent évoquer une certaine notion de l’échec ou du hasard, une ouverture possible dans le strict héritage minimaliste, tout en renvoyant au vernaculaire. Quand Jean-Pierre Pincemin relatait ses exercices de peintre comme des problèmes de « raccourcis » et l’économie de moyens comme le chemin permettant d’accéder à l’essentiel. Il pouvait en outre invoquer la possibilité du déceptif, car cet état bouscule le spectateur, le pousse à reconstruire, consolider ou ajouter ce qui manque. Chez tous ces artistes, le temps passé à l’atelier et à l’écoute du matériau, brut, même s’il est au cœur d’une toile, s’accompagne d’un travail qui semble s’abstraire volontairement d’héritages trop lourds, dans une sorte de libération. Cette concentration au support offre justement la perméabilité à la naissance d’une autre forme de poésie.
Le groupe Supports/Surfaces est un mouvement artistique né à la fin des années 1960. L’un des points de départ est une exposition datant de 1969 et intitulée La peinture en question, dans laquelle des artistes parmi lesquels Claude Viallat, Louis Cane, Daniel Dezeuze, Noël Dolla, Marc Devade ou Patrick Saytour, presque tous originaires du Sud de la France, déclarent : « L’objet de la peinture, c’est la peinture elle-même et les tableaux exposés ne se rapportent qu’à eux-mêmes. Ils ne font point appel à un ailleurs ». En 1970, ils présentent officiellement le groupe Supports/Surfaces à l’ARC – Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. Allant à l’encontre des créations de leur époque, ces artistes en appellent à une absence de lyrisme et de profondeur expressive. Souhaitant revenir aux fondamentaux de l’œuvre, ils se concentrent sur la toile et le châssis, sans y apposer la moindre représentation. Contre l’idée du tableau dit « bourgeois » apposé au mur, qui s’intègre bien dans cette période d’après Mai 68, les œuvres épousent l’espace-même, du sol au plafond. Le groupe interroge l’idée de déconstruction et de reconstruction, accompagnant les débats sur la société. Si ces plasticiens ont très tôt emprunté par la suite un chemin individuel, leurs recherches et valorisation de l’expérience auront définitivement marqué une époque et une réflexion sur la définition même de la peinture.
À New York, dans les années 2000, des plasticiens se développant dans un contexte artistique, géographie, politique et économique radicalement différent, se mettent à leur tour à déconstruire l’idée de la toile, pour la reconstruire. Au tout départ de leur recherche, ils ne connaissent pas nécessairement les artistes du groupe Supports/Surfaces, qui ont été jusqu’alors peu exposés aux Etats-Unis, mais se réfèrent davantage, si l’on doit chercher des sources historiques, à Frank Stella, Ad Reinhardt, l’art minimal ou encore le Bauhaus. Pour autant, il est fascinant d’observer que les œuvres présentent de fortes similitudes formelles. Ainsi, à nouveau les réflexions sur le châssis, décomposé ou recomposé, ou plus généralement le support accompagnent celles de l’œuvre dans l’espace. Le matériau même, souvent « sans qualité » ou celui, réemployé de l’atelier, revient au centre du travail, parfois accompagné du concept d’artisanat. Les toiles peuvent se faire horizontales ou réalisées par un métier à tisser. Le support est ce que l’on appelle, déhiérarchisé, et mis au même plan que l’ensemble des recherches qui vont jusqu’à intégrer l’œuvre dans l’architecture et son environnement. Aujourd’hui que des expositions du groupe Supports/Surfaces ont eu lieu, spécifiquement à New York ou ailleurs aux Etats-Unis, un lien à commencer à se tisser et un nouvel échange apparaît entre certains plasticiens.
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Les prémices de The Surface of the East Coast se sont esquissées à New York. En observant les œuvres d’artistes américains, qui remémoraient les questionnements formels de Supports/Surfaces - retour aux éléments constitutifs d’un tableau, interrogation sur la représentation et l’illusionnisme… - je me suis demandée s’ils connaissaient ce mouvement. Existait-il un lien entre ces deux générations d’artistes vivant dans un contexte historiquement, culturellement et politiquement différent ? Après Le 109, centre d’art contemporain de Nice, qui regroupa 24 plasticiens l’été dernier, l’exposition The Surface of the East Coast se déploie sous un autre format, plus intimiste, dans cinq galeries de Manhattan et pour une performance à Brooklyn.
Différance offre un dialogue inédit entre les artistes Joe Bradley, Louis Cane, Erik Lindman, Pierre Buraglio, Sam Moyer et Jean-Pierre Pincemin.
Le lien formel entre Joe Bradley et Louis Cane est l’un des plus fascinants. Pour autant, le plasticien américain n’avait, à l’époque de la création de ses robots en aplat de couleurs, pas eu connaissance du travail du support-surfacien qui l’avait précédé. Au-delà d’un lien plus étroit à l’art minimal américain, Bradley disait vouloir « construire » ses toiles, plutôt que de peindre ou dessiner. Rejoignant pourtant l’une des problématiques principales qui avait animé le groupe français à la fin des années 1960, il la réactivait au début des années 2000, où pouvaient se manifester comme point commun le rejet de la peinture figurative et un retour au matériau. L’emploi de la couleur, également chez Louis Cane, voulait être au cœur de l’œuvre, mêlant matrice et forme. Erik Lindman avait quant à lui découvert Pierre Buraglio durant l’exposition consacrée par la galerie Canada à la scène de Supports/Surfaces en 2014. Creusant déjà ces questions de states, accentuées par la superposition de ses propres toiles ou l’incorporation de fragments extérieurs, il reconnaît des solutions plastiques similaires en observant son aîné. Ce dernier a très tôt valorisé la récupération et intriquait fortement la pratique de l’atelier à la « vraie » vie. Débute alors comme un échange d’ordre plastique, qui n’a pas encore pris part dans la réalité car les deux plasticiens ne se sont jamais rencontrés. Cette recherche autour de l’objet trouvé est aussi exploitée par Sam Moyer, qui arpente les chantiers de construction ou des lieux en transition, trouvant des chutes ou des pierres non utilisées pour des projets architecturaux. Ces matériaux ont déjà leur propre histoire, et peuvent évoquer une certaine notion de l’échec ou du hasard, une ouverture possible dans le strict héritage minimaliste, tout en renvoyant au vernaculaire. Quand Jean-Pierre Pincemin relatait ses exercices de peintre comme des problèmes de « raccourcis » et l’économie de moyens comme le chemin permettant d’accéder à l’essentiel. Il pouvait en outre invoquer la possibilité du déceptif, car cet état bouscule le spectateur, le pousse à reconstruire, consolider ou ajouter ce qui manque. Chez tous ces artistes, le temps passé à l’atelier et à l’écoute du matériau, brut, même s’il est au cœur d’une toile, s’accompagne d’un travail qui semble s’abstraire volontairement d’héritages trop lourds, dans une sorte de libération. Cette concentration au support offre justement la perméabilité à la naissance d’une autre forme de poésie.
Le groupe Supports/Surfaces est un mouvement artistique né à la fin des années 1960. L’un des points de départ est une exposition datant de 1969 et intitulée La peinture en question, dans laquelle des artistes parmi lesquels Claude Viallat, Louis Cane, Daniel Dezeuze, Noël Dolla, Marc Devade ou Patrick Saytour, presque tous originaires du Sud de la France, déclarent : « L’objet de la peinture, c’est la peinture elle-même et les tableaux exposés ne se rapportent qu’à eux-mêmes. Ils ne font point appel à un ailleurs ». En 1970, ils présentent officiellement le groupe Supports/Surfaces à l’ARC – Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. Allant à l’encontre des créations de leur époque, ces artistes en appellent à une absence de lyrisme et de profondeur expressive. Souhaitant revenir aux fondamentaux de l’œuvre, ils se concentrent sur la toile et le châssis, sans y apposer la moindre représentation. Contre l’idée du tableau dit « bourgeois » apposé au mur, qui s’intègre bien dans cette période d’après Mai 68, les œuvres épousent l’espace-même, du sol au plafond. Le groupe interroge l’idée de déconstruction et de reconstruction, accompagnant les débats sur la société. Si ces plasticiens ont très tôt emprunté par la suite un chemin individuel, leurs recherches et valorisation de l’expérience auront définitivement marqué une époque et une réflexion sur la définition même de la peinture.
À New York, dans les années 2000, des plasticiens se développant dans un contexte artistique, géographie, politique et économique radicalement différent, se mettent à leur tour à déconstruire l’idée de la toile, pour la reconstruire. Au tout départ de leur recherche, ils ne connaissent pas nécessairement les artistes du groupe Supports/Surfaces, qui ont été jusqu’alors peu exposés aux Etats-Unis, mais se réfèrent davantage, si l’on doit chercher des sources historiques, à Frank Stella, Ad Reinhardt, l’art minimal ou encore le Bauhaus. Pour autant, il est fascinant d’observer que les œuvres présentent de fortes similitudes formelles. Ainsi, à nouveau les réflexions sur le châssis, décomposé ou recomposé, ou plus généralement le support accompagnent celles de l’œuvre dans l’espace. Le matériau même, souvent « sans qualité » ou celui, réemployé de l’atelier, revient au centre du travail, parfois accompagné du concept d’artisanat. Les toiles peuvent se faire horizontales ou réalisées par un métier à tisser. Le support est ce que l’on appelle, déhiérarchisé, et mis au même plan que l’ensemble des recherches qui vont jusqu’à intégrer l’œuvre dans l’architecture et son environnement. Aujourd’hui que des expositions du groupe Supports/Surfaces ont eu lieu, spécifiquement à New York ou ailleurs aux Etats-Unis, un lien à commencer à se tisser et un nouvel échange apparaît entre certains plasticiens.
Marie Maertens, mai 2018.
Artistes de l'exposition :
Joe Bradley
Pierre Buraglio
Louis Cane
Erik Lindman
Jean-Pierre Pincemin
Informations Pratiques
Ceysson & Bénétière
956 Madison Avenue
10021 New York
T: +1 646 678 3717