Hommage à Vicky Rémy

chez Jean Prouvé

13 juillet - 14 juillet 2019

Hommage à Vicky Rémy

chez Jean Prouvé

13 juillet - 14 juillet 2019




 

Vicky, Vicky Rémy, c’était Vicky. Au musée d’Art moderne, à Saint-Étienne, nous y aimions, tous l’aimaient, sa présence. Elle savait écouter, conseiller, consoler parfois. Avec Albert, Vicky a écrit une très belle page de la légende de Saint-Tropez. Choses, son magasin inspiré, était l’une des étapes, l’une des escales obligées de la circumnavigation tropézienne. Ce nom, Choses, réveillera pour beaucoup le souvenir des genii loci dont les présences ombreuses animent toujours la cité. Le musée de l’Annonciade entretient le souvenir de certains : Signac, Cross, Bonnard et Vuillard, mais aussi Braque, Matisse, etc. Audacieuse, créatrice de mode talentueuse, photographe inventive, Vicky était attentive aussi bien aux musiques contemporaines qu’aux expériences artistiques dont Nice et ses acteurs propageaient les aventures jusqu’aux États-Unis. Sa collection fut d’abord sage, mais bien avisée. Elle aida, par exemple, Atlan, se soucia de Mansouroff, pionnier de l’abstraction, acquit des peintures de Poliakoff, de Maria-Helena Vieira da Silva, puis, sensible aux suggestions un peu provocatrices d’un jeune artiste dont les œuvres chamboulaient les prescriptions bienséantes du « bon goût » d’alors, elle acheta des œuvres de César, Arman, LeWitt, Ben, Noël Dolla, Bernard Pagès, Toni Grand, Patrick Saytour, Claude Viallat et surtout André Valensi qu’elle soutint dans les péripéties difficiles que celui-ci s’ingéniait à fomenter comme en quête d’une malédiction, peut-être, pour lui, rédemptrice. Elle collectionna, bien sûr, avec intelligence, celles très radicales de son mentor : Bernar Venet. Elle constitua un ensemble rare d’œuvres Fluxus, de Robert Filliou, Dorothy Iannone, Serge III Oldenbourg et de tant d’autres. Elle ne négligea en rien ni l’art conceptuel ni les géométries impeccables de François Morellet. Elle défendit avec opiniâtreté Tania Mouraud. Nombre d’artistes, très amateurs de ses cabans et chandails tissés de belle et bonne laine, s’empressaient auprès de Vicky afin d’en obtenir en échange de leurs travaux alors invendables. Elle acceptait ce troc avec le sourire et enrichit ainsi, en partie, sa collection. Sa générosité à l’égard de nombreux artistes fut discrète et sans attente de retour. Elle songea même à fonder avec Ben et l’auteur de ces lignes une revue, souhaitée par Ben, qu’elle aurait financée. Ben, bien sûr, s’imposa comme directeur, rédacteur en chef, auteur, distributeur et factotum distingué. Nous n’avions pas, cela allait de soi, notre mot à dire. Le projet fut abandonné. Mais, ce fut un bon moment, un beau projet, un rêve : ce furent de belles années que ces années disparues. Vicky accumula, avec une rare persévérance, un ensemble unique et, aujourd’hui, bien enviable, de travaux d’Art & Language et du Narrative Art : David Askevold, Michael Baldwin, Victor Burgin, Bill Beckley, Peter Hutchinson, Dennis Oppenheim, Mel Ramsden, Roger Welch. Ajoutez des œuvres de Vivien Isnard, Jean-Claude Farhi, Albert Chubac, Serge Maccaferri, Robert Malaval, Olivier Mosset, ORLAN, Jean-Louis Vila, Claude Viseux, etc. C’est bien toute la plus effervescente créativité des années soixante et soixante-dix qu’avec sa collection Vicky nous a donné à voir. Imaginez ! D’autant que je ne cite ici que les artistes devenus célèbres ! À revoir le catalogue de sa donation – plus de cinq cents items -, je redécouvre des œuvres d’artistes méritant une attention que nous n’avons pas su leur accorder. Cette collection, sa collection, signifiant une vie, sa vie, un destin, Vicky en fit don, je l’ai dit et redit, au musée d’Art moderne de Saint-Étienne. Imaginez le bonheur des conservateurs de ce musée recevant un tel ensemble ! J’ai vécu ce moment, la réception de ce don. Imaginez ! L’actuelle direction du musée dépositaire de cette collection a entrepris de le faire revivre. Aurélie Voltz et Alexandre Quoi, auteur par ailleurs d’une thèse sur le Narrative Art, s’emploient heureusement avec l’énergie indubitable de leur savoir à assurer son « revival ».
En 2013, Julie Verlaine, a publié un essai bienvenu, sur les femmes mécènes et collectionneuses. Une page y est consacrée à Vicky assimilée, dans sa conclusion, à ces trois grandes donatrices que furent les trois sœurs Schlumberger : « Une telle collection - souligne-t-elle - n’est pas seulement un trésor qu’une personne désintéressée offre à une communauté. Elle est une parcelle de sa vie, une part d’elle-même et une part de l’histoire de l’art et de l’histoire des artistes dont les œuvres y figurent. » C’était, c’est toujours, Vicky...
Bernard Ceysson
- Merci, grand merci, à Élisabeth Schreiner et Bernar Venet d’avoir voulu cette célébration tropézienne, ainsi qu'au Musée d'art moderne et contemporain de Saint-Étienne Métropole pour sa collaboration.

© Yves Bresson / Musée d'art moderne et contemporain de Saint-Etienne Métropole