NICOLAS MOMEIN

TERRE-PLEIN

25 mars - 29 mai 2021

NICOLAS MOMEIN

TERRE-PLEIN

25 mars - 29 mai 2021




 

Repérer des gestes et des techniques issus de l’industrie ou de l’artisanat, les défaire et les refaire en les déviant de leurs finalités initiales : voici les principales opérations auxquelles procède Nicolas Momein. En résultent des œuvres-objets ayant perdu leur fonctionnalité tout en maintenant leur haut niveau de technicité, comme mis en travers de la chaîne de production tout en conservant sa dimension sérielle et répétitive. C’est que les pièces de l’artiste existent rarement seules : elles forment des séries où les mêmes gestes ont été patiemment répétés, avec un plaisir et un amour du faire perceptibles. Ce qui saute également aux yeux, c’est que si les pièces d’un même ensemble sont similaires, elles ne sont jamais pour autant identiques. Au contraire, elles s’inscrivent dans un réseau ouvert de similitudes, sans commencement ni fin, qui ne s’ordonne à aucun modèle et n’obéit à aucune hiérarchie, se propageant de petites différences en petites différences. 


C’est le cas de la série intitulée Terre-plein, soit des peintures-sculptures fixées aux murs ou posées à la jonction du sol, comme des pastilles de couleurs brillantes cernées par des sortes de boudins de couleur brune ou rose pâle. Composées de matériaux notamment utilisés pour la fabrication de figurines en plastique et pour le prototypage industriel, ces pièces semblent avoir cassé l’idée même d’un moule ou d’un patron dont elles seraient des copies. Avec leurs aspects à la fois usinés et manuels, leurs bords rectilignes ou arrondis, elles se situent entre deux états de la matière, liquide et solide, comme si leurs contours retenaient des coulées au devenir mouvant, susceptibles de prendre des apparences toujours changeantes. On se plait à observer leurs effets de surfaces, les flux ça et là visibles de la matière synthétique, les creux et les pleins de leurs bordures, c’est-à-dire tout ce qui en fait des singularités concrètes, ou ce qu’on pourrait appeler des « objets spécifiques », spécifique au sens de ce qui a son caractère propre et unique.


Tout se passe ainsi comme si ces artefacts rejouaient une logique du vivant comme production infinie de formes irréductibles à toute fonctionnalité. C’est ce que l’on perçoit également avec la série des Botoù koat, à savoir des sabots fabriqués en collaboration avec un artisan breton, disposées par paires au sol et dont les bouts sectionnés présentent des surfaces peintes. Ici, un simple geste de coupe fait basculer la dimension sculpturale de ces objets du côté de la peinture, télescopant horizontalité du volume et verticalité du plan pictural. D’un sabot à l’autre, on observe de légères variations dans les nervures de leur bois, mais aussi dans leurs tailles et le façonnage de leurs ouvertures. Enveloppe et intériorité semblent se confondre, comme cela est également le cas avec les Gaines, soit d’étranges créatures semi-érectiles semi-tombantes, à la croisée du mobilier et de la sculpture, offrant au regard leurs surfaces en serviettes éponges sans qu’il soit possible de deviner ce qui se trouve à l’intérieur. Ces dernières, cousues entre elles comme des patchworks, affichent toutes sortes de motifs convoquant les souvenirs des modes passées, des morceaux d’histoires individuelles, mais également les sensations tactiles associées au contact de leurs fibres. De la même manière que pour les Terre-plein et les Botoù koat, ces Gaines oscillent entre surface et volumétrie, dans un jeu de réversibilité où de multiples états virtuels sont actualisés, élevant la différence à l’absolu d’un potentiel.

Sarah Ihler Meyer, février 2021.

1. Passage inspiré par l’ouvrage intitulé Ceci n’est pas une pipe de Michel Foucault, publié aux éditions Fata Morgana en 2010.

2.  La notion d’ « objet spécifique » a été inventée en 1965 par l’artiste minimaliste américain Donald Judd pour désigner des œuvres déjouant la distinction traditionnelle entre peinture et sculpture. Elle s’applique particulièrement bien aux productions de Nicolas Momein, lesquelles se situent précisément entre peinture et sculpture, surfaces en deux dimensions et objets tridimensionnels.

 




Artiste de l'exposition : Nicolas Momein


Informations Pratiques

Ceysson & Bénétière
23 rue du Renard
75004 Paris

Horaires:
Mardi – Samedi
11h – 19h
T: + 33 1 42 77 08 22