CANONS, ORLAN

09 janvier 2021

CANONS, ORLAN

09 janvier 2021




 

La galerie est heureuse de partager l'exposition CANONS avec ORLAN à la galerie Derouillon, Paris, France, jusqu'au 6 février 2021.


Longtemps aliéné à un statut d’objet, le corps de la femme est le vecteur et le réceptacle de beaucoup d’idées. Comme si, lorsqu’on était opprimé, tout passait par lui. Le corps subalterne avant la parole ; femmes, avant humaines. Elles se font entendre mais sont encore peu écoutées, tous les scandales qui explosent depuis toujours, sans cesse répétés, nous le démontrent ; elles ne se sont pas encore défaites de ce corps que la société patriarcale a façonné pour elles. D’abord figures de fécondité, Vénus préhistoriques, puis Vierges, le corps des femmes a été offert à la contemplation jusqu’au XIXème siècle, souvent nu, idéalisé, évoquant la beauté pure. Ce n’est qu’à la moitié du XIX eme siècle que leur corps fusionne le sujet, qu’elles deviennent sujets regardant, et ainsi s’incarnent. Dans les années 60, le corps fait son entrée physique dans l’Art, il est vécu. En se réappropriant leur voix, leur image et leur corps dans leurs oeuvres, les artistes font-elles émerger un nouveau vocabulaire au cours des dernières décennies ? Quelles images produisent-elles d’elles mêmes ?

Canons présente deux oeuvres dès années 70, produites par des pionnières féministes : une peinture figurant un sexe de femme poilu au centre de son image, par Cathy Josefowitz, en 1974, et la photographie Le baiser de l’artiste de ORLAN réalisé en 1977 qui témoigne de son installation à la Fiac où le spectateur pouvait, pour cinq francs, embrasser ORLAN-corps (avec la langue) ou choisir de déposer des fleurs ou un cierge à Sainte-ORLAN , qui a fait scandale et lui a valu des lettres de menaces extrêmement violentes.

Quarante ans plus tard, les artistes émergentes représentées ici ne font plus événement. Elles se racontent par elles mêmes, tentent de se définir, peut être, à travers le récit personnel, intime, parfois anecdotique, naturaliste, humoristique, fantaisiste, ou mythologique, de leur propre histoire, libérées des catégorisations du genre, ou sociales. Des artistes dont l’exploration intérieure peut être poussée jusqu’à la dissection, l’évidement, et dont la beauté parfois reniée par nos concepts esthétiques occidentaux, excluant les cultures multiples, s’affirme. Des artistes qui réfléchissent à la notion de corps accessoirisé / corps- objet qui les annihilent, et expriment leur domination sur ce monde matériel, transcendent leur condition corporelle, se dematérialisent en énergie, couleurs, fragments, ou abstraction.

Le corps de la femme est donné ici à voir, mais en lui rendant ses fonctions biologiques primaires, digestives, sexuelles. Affranchies des mythes, des modèles, elles promeuvent leurs plaisirs, leurs désirs, leurs pensées, leurs actes, et leurs choix. Elles sont des individus, des artistes, avant d’être des femmes. Il ne s’agit plus de s’élever contre des canons, mais de les remplacer, en éduquant nos regards, en instaurant une habitude aux précédents édités par les féministes des années 60 ; faire table rase du passé, raconter que tout est encore en train de s’inventer, de se construire. Et peut être alors pourrons nous imaginer un monde de coexistence, ou seront abolis les corps dominants et ainsi les corps des dominés ?

Bettina Moriceau Maillard

 




Artiste :
ORLAN


Lien :
Galerie Derouillon