Ceysson & Bénétière

Née en 1950, à Kronach, Allemagne. 

Vit et travaille à Aignay-le-Duc, France.

   Présentation 

Gloria Friedmann quitte l’Allemagne pour la France en 1977. Autodidacte et principalement sculpteure, cette artiste prolixe déploie une énergie expérimentale dans des pratiques aussi différentes que la peinture, l’installation, la photographie, la performance ou la vidéo. L’aspect volontairement protéiforme et l’esprit caustique de sa démarche, allient gravité et futilité, dans un langage qu’elle cultive sur un mode à la fois savant et drolatique. Se saisissant d’un genre historique – le paysage – désinvesti par la sculpture contemporaine, elle se fait reconnaître au début des années 1980 par ses installations et performances ayant pour sujet la nature, dont elle estime faire « partie ». C’est cependant sur la nature « non humaine », celle existant « en dehors » d’elle-même, selon ses propres mots, qu’elle se concentre, et notamment sur les violences qu’elle subit. Des œuvres telles que Vagues Normandie (1983), composée de pare-brise brisés, ou Paysage d’hiver (1986) relèvent à la fois d’une poétisation du lexique de l’art minimal et d’une certaine culture des matériaux propres à l’Arte povera. Des matières brutes et non conventionnelles représentent son message, le véhiculent dans une mise en scène imagée, dont les « scénarios existentiels » activent les forces antagonistes, sans compromis aucun. Associant l’ironie, la parodie, l’incongru, Gloria Friedmann développe la logique d’une métaphore naturaliste, en exposant les pièces d’une nature vraie, dont elle déplace des fragments selon la procédure du ready-made pour restituer davantage l’idée du chaos que celle d’une harmonie proverbiale.

Chantal Béret, extrait du Dictionnaire universel des créatrices © 2013 Des femmes – Antoinette Fouque

Catherine Millet : Dans l’évolution de ton travail, il me semble qu’il t’a été nécessaire à un moment donné de te confronter directement et très physiquement à la matière. J’ai le souvenir de toi, dans ton ancien atelier, en train de t’affronter à une énorme boule de terre. Tu donnais l’impression de quelqu’un qui a besoin d’une dépense physique, de travailler avec son corps.

Gloria Friedmann : J’aime bien réfléchir sur ce que je fais, analyser où je vais, mais à un moment donné, quand je sais où je veux en venir, j’ai besoin de me coltiner le réel le plus brut. L’idée de départ peut être parfaite à cent pour cent, elle n’a aucune existence, c’est seulement quand tu commences à réaliser qu’une descente s’amorce : il reste soixante, cinquante pour cent de l’idéal… La matière résiste, elle a sa force propre. Il va falloir la maîtriser. C’est un peu de l’ordre d’un combat. Si je donnais ce travail à faire à des assistants, comme font beaucoup de mes collègues, ça m’empêcherait de vivre une expérience, de connaître mes défauts, mes limites, mes incapacités. Je serais privée de ce non-savoir, alors que je sais que c’est lui qui va m’enrichir. J’aime aussi que mes manques soient mis au jour, exposés dans l’œuvre elle-même. Je vais te donner un exemple de ce que j’appelle un ratage. Quand j’ai commencé à faire de la sculpture et à vouloir représenter un être humain, l’essai que j’ai obtenu était atroce. Je me suis dit que je ne pouvais pas présenter une telle horreur. J’ai laissé la sculpture ratée dans un coin pendant cinq ans jusqu’à ce que je m’aperçoive qu’il y avait quelque chose qui méritait d’être repris, mais dont, à l’époque je ne percevais pas les possibilités. L’attente est souvent féconde.

CM : J’ai le sentiment que tu te lances des défis à toi-même. Je pense à la façon dont tu me parlais de ces œuvres récentes faites au fusain. Si j’ai bien compris, tu as acheté ces fusains un peu comme tu avais acheté il y a plus longtemps une collection d’animaux naturalisés, sans trop savoir ce que tu allais en faire. 

GF : Comme je n’y connais rien, n’ayant suivi les cours d’aucune école des beaux-arts, je considère que ce manque est une chance pour moi. Bien sûr, j’ai des images en mémoire, ce qui est important pour ne pas répéter ce qui a déjà été fait, et le défi consiste ensuite à me dire que je n’y arriverai jamais et donc de mobiliser toute mon énergie pour me prouver le contraire. 

CM : Dans ces tableaux au fusain, les masses noires que tu appelles « No men’s land » ne sont pas sans rapport avec tes boules de terre. Au-delà de la diversité des matériaux, on est en présence de thématiques formelles ou de gestes récurrents.

GF : Depuis trente ans que je travaille, je me rends compte de la nature des questions qui me préoccupent : les masses, les bizarreries de la nature, les animaux, dans ce qu’ils ont de menaçant. Je ne suis pas dans une approche chrétienne de la nature qui trace une frontière nette entre l’être humain, l’animal et la nature. Moi, je fais partie de cette nature. Cette vision peut être tantôt apaisante, tantôt inquiétante. L’écologie m’a beaucoup occupée, elle m’occupe toujours d’ailleurs, mais pour dire la vérité, cette planète, elle n’en a rien à faire de nous. Elle existait bien avant, et elle sera toujours là bien après nous. Nous n’essayons de préserver le biotope qui nous convient que par égoïsme. 

CM : Tes sculptures en terre, qui représentent des corps d’hommes et de femmes et des corps d’animaux, ou encore simplement des têtes humaines, ne confirment-elles pas ce que tu viens de dire ? Tu m’as fait récemment la remarque que ces figurations se caractérisaient par une volonté d’enfouir leurs formes dans la matière. Tu ajoutes des couches de terre les unes sur les autres, ce qui rend plus vagues les contours, comme si la terre devait reprendre ses droits.

GF : Peut-être cela correspond-t-il aussi à un désir d’arriver à plus d’abstraction, à gommer les présences, afin de mettre en valeur des formes plutôt que de faire apparaître une imagerie du réel. J’aime malaxer la matière, j’aime quand ça enfle, quand ça craque. La matière échappe au contrôle, et le résultat sera une surprise pour moi. 

CM : J’aime beaucoup tes figures en pieds d’hommes et de femmes, en particulier celle de l’homme aux clefs qui va « ouvrir » l’exposition, L’Intouchable, et la femme qui tient un globe, La Matrix. À propos de la femme, tu soulignes qu’elle est très solide, avec des jambes costaudes, une vraie terrienne. Elle tient la terre, mais elle est faite elle-même de terre. Je me dis qu’il y a quelque chose de toi dans cette figure. 

GF : Peut-être… La représentation d’une femme est plus difficile, plus complexe que celle d’un homme. Peut-être est-ce que je dis cela parce que je suis une femme. J’ai réalisé une sculpture qui représente un homme assis sur une sphère en terre. Je l’ai appelé Le Locataire, on lui a alloué un terrain et il doit le rendre en état. La femme, elle, tient la terre, comme si elle lui avait donné naissance. Ce sont des archétypes. 

Extrait d'un entretien entre Catherine Millet et Gloria Friedman.

Expositions personnelles (sélection)

2022 

Château d'Oiron, France

Ceysson & Benetiere, Paris, France

Musée Orsay, Paris, France

2020 

Partkview Foundation , Pékin, Chine

2015

Galerie Mitterrand, Paris, France

2013  

Fondation Maeght, Vence, France

2010

Galleria Bagnai, Florence, Italie

2009    

Galerie Mauroner, Vienne, Autriche

Le grand Sapin, Saulieu, France

2008

Lune Rousse, Musee Bourdelle, Paris, France

2007

Mammalia, Skulpturenmuseum Glaskasten, Marl, Allemagne

2005 

Play Back d’Eden, Kunstraum, Dornbirn, Autriche

Mammalia, FRAC Basse Normandie, Caen, France

2004

Happy End, Musée d’Art moderne, Saint-Étienne, France

2003

Kunststation, Cologne, Allemagne

Happy End, Museum Küppersmühle, Duisburg, Allemagne

2002 

Diözesanmuseum, Freising, Allemagne

2001

Mehrlinge … für eine schöne neue Welt, Kunstsammlung zu Weimar, Allemagne

Ichlinge + Mehrling, Stadthaus, Ulm, Allemagne

2000

Garden Party, Square Jean XXIII, Maison européenne de la Photographie, Paris, France

Bonnes Fêtes, Maison européenne de la Photographie, Paris, France

1999

Komplex, Quai de la Gare, Paris, France

Numéro Vert, Musée de la Chasse et de la Nature, Paris, France

1997

Zollverein, Essen, Allemagne

Städliche Sammlung, Augsburg, Allemagne

1996

City Art Gallery, Wellington, Nouvelle-Zélande

1995 

Pour qui, contre qui, Musée national d’art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, France

1994 

Musée d’Art moderne et contemporain de la ville de Strasbourg, France

1993

Le Consortium, Dijon, France

1992

Museum Moderner Kunst, Stiftung Ludwig, Vienne, Autriche

1989

 Kunstforum, Städtische Galerie im Lenbachhaus, Munich, Allemagne

1980

Musée national d’art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, France             

Ici-bas et au-delà, Musée de Peinture et de Sculpture , Grenoble, France

Octobre des Arts, Lyon, France

Expositions collectives (sélection)

2022 

Parkviewfoundation, Singapore

La Défense du Vivant, La Défense, Paris, France

Les Animaux Musiciens, Philharmonie de Paris, France

2021

Ex-Africa, Musée Jacques Chirac, Paris, France

Animaux vivants…, Musée de la Musique, Philharmonie Paris, France

2019

100 artistes dans la ville, Montpellier, France

Artzuid 2019, Amsterdam, Pays-Bas

Disturbing Narratives, Parkview Foundation, Singapore

Nature Humaine, ECS, Lyon, France

Figures de L’animal, Château Meymac, France

Voyage au long cours, Frac Caen, France

2018

The Artist’s Voice, Parkview Foundation, Pékin, Chine

Biarritz 1918 – 2018, Biarritz, France

2017

The artist’s Voice, Parkview Foundation, Singapore

2016

Carambolages, Grand Palais, Paris, France

Musée National d’Art Contemporain, Seoul, Corée du Sud

2015

Kunstsammlung Liechtenstein, Vaduz, Liechtenstein

Anima, Couvent St.Riquier, France

Galerie Steineck, Vienne, Autriche

Take me (I’m Yours) Musée de la Monnaie, Paris, France

L’ordre caché, saison 2, FRAC Bourgogne, Dijon, France

2014

Split second, Galerie Fortlaan, Gand, Belgique

La disparition des lucioles, prison sainte-anne, Avignon, France

Les archives du rêve, musée de l’orangerie, Paris, France

Gloria Friedmann et Bertrand Lavier, Galerie Visconti, Paris, France

Biennale de Busan, Busan, Corée du Sud

2013 

Marseille 2013, Marseille, France

Animalische Ästhetiken, Kunsthaus Kaufbeuren, Allemagne

2012

Bêtes Off, La Conciergerie, Monuments Nationaux, Paris, France

Shanxi Art Museum, Shaanxi, Chine

The Deer, Le Consortium, Dijon, France                               

ART & Press, Martin Gropiusbau, Berlin, Allemagne              

Palais de Tokyo, Paris, France

La Beauté Animale, Grand Palais, Paris, France  

Art + Press, ZKM, Karlsruhe, Allemagne

Marché au Musée de la Monnaie, Paris, France

World as an Archive, Dokumenta Kassel, Allemagne

Domaine de Peyrassol, Flassans sur Issole, France  

Collection Giuliana et Tommaso Setari, Maison Rouge, Paris, France                   

Speaking Artists, Busan Museum of Art, Corée du Sud 

2010 

Islands never found, Palazzo Ducale, Genève, Suisse   

Islands never found, Musée d’art contemporain, Athènes, Grèce

Dreamtime 2, Les Abbatoires, Toulouse, France                    

Islands never found, Musée d’art contemporain de Saint-Etienne, France

Circuit céramiques, Sèvres, France

2009

elles@centrepompidou, Musée National d'Art Moderne - Centre Pompidou, Paris, France       

Biennale de Moscou Against Exclusion, Le Garage, Moscou, Russie

Le sort probable de l’homme qui avait avalé …, Centre Pompidou, La Conciergerie, Paris, France

Rueckkehr…, Kunstverein Aschaffenburg, Allemagne

Arte Fragil, Musée d’Art Moderne, Sao Paulo, Brésil

2008

Alliance, Do-Art Gallery, Pékin, Chine                                                        

Alliance, Do-Art Gallery, Séoul, Corée du Sud

The bearable lihgtnessof being, Palazo Pesaro Papafava, Venise, Italie

Musée de L’Europe, Bruxelles, Belgique

Biennale de Valencia, Valence, Espagne                                   

Dolce Tocco, Museo d’Arte Contemporanea, Naples, Italie             

Coolustre, Collection Lambert, Avignon, France           

The Giving Person, Museo d’Arte Contemporanea, Naples, Italie   

Domicile/Privé, Musée d’Art Moderne de Saint-Étienne, France 

La Force de l’Art, Grand Palais, Paris, France                            

2000

La Casa, Il Corpo, Il Cuore, Musée d’art Moderne, Prague, République Tchèque

Voilà, Un monde dans la  tête, Musée d’Art Moderne de la Ville, Paris, France

Zeitwenden, Museum Moderner Kunst, Sammlung Ludwig, Vienne, Autriche 

Partage d’Exotismes, Biennale de Lyon, France

1999 

La Casa, Il Corpo, Il Cuore, Museum Moderner Kunst, Vienne, Autriche               

Zeitwenden, Kunstmuseum, Bonn, Allemagne

1996

Transformers, Art Gallery, Auckland, Nouvelle-Zélande

1993

Mirabilia, Château d’Oiron, France

Konfrontationnen, Museum Moderner Kunst, Sammlung Ludwig, Vienne, Autriche    

Kunst im Weltmasstab, Kunsthalle, Kiel, Allemagne

1991

Im Nebel aufgelöste Wasser des Stromes, Museum Morsbrolch Leverkusen, Allemagne

Im Nebel auf …. , Alte Pinakothek, Munich, Allemagne                                           

1968, Le Consortium, Dijon, France

1980

XIe Biennale de Paris, France