Franck Chalendard

Canevas

05 juillet - 20 septembre 2014

Franck Chalendard

Canevas

05 juillet - 20 septembre 2014




 OUVERTURE EN AOÛT UNIQUEMENT SUR RENDEZ VOUS

Les œuvres récentes de Franck Chalendard sont impressionnantes par l’ampleur des questions qu’elles incarnent dans la réalité de leur structuration et de leur configuration. Qui les regarde croit vite en repérer les sources ou se prend au jeu des mises en parallèle et des comparaisons. Mais ces exercices agréables nous incitant à manifester notre érudition s’avèrent à la fois justes et vains. C’est-à-dire comme sans vraie nécessité tant ces tableaux récents nous confrontent à une affirmation du tableau comme réalité irréductible à ce qu’il est et à ce dont il est l’enjeu pour qui l’a peint et qui le regarde. La juxtaposition de pièces de tissu d’ameublement surtout, soigneusement assemblées par une couturière, fournit à l’artiste un support qui, d’évidence, suggère une sorte d’allégeance au procédé de « raboutage » de Claude Viallat. Mais ce recours s’inscrit de manière très cohérente dans ce qui est au cœur de la pratique et de la quête de Franck Chalendard. Cette quête et cette pratique semblent stimulées et fortement orientées par une sorte de constat d’impuissance à dépasser la configuration matérielle du tableau. L’artiste se déclarant lui-même contraint de tenir compte du fait que, dès la fin du modernisme et du postmodernisme, qui veut peindre est condamné à puiser dans un énorme thésaurus de formes et de motifs, mais aussi de concepts théoriques, et à leur redonner vie en les métamorphosant en générateurs de nouveautés agissantes. Au risque donc de n’avoir plus qu’à ne pouvoir proposer aux œuvres de peinture, à ses propres œuvres, qu’un design emprunté à des vintages redevenus ainsi accommodés proposables sur la scène artistique contemporaine comme des marqueurs constitutifs du bon goût contemporain ! Ce risque a été remarquablement assumé, pour le dépasser et le transcender, par quelques artistes majeurs des années quatre-vingt. Il l’est à nouveau par quelques artistes actuels parmi lesquels, avec Franck Chalendard, il convient de citer Sadie Laska, Lauren Luloff voire Sarah Braman. D’où leur intérêt pour Claude Viallat et Supports/Surfaces dont ils bénéficient du travail de déconstruction. Mais, heureusement, ces artistes se gardent de toute soumission à un appareil théorique. Au-delà d’une simple et heureuse dilection, ils affichent, comme le fait Franck Chalendard, le respect dû à un initiateur qui a frayé la voie, mais dont il faut à tout prix se départir, s’écarter, afin de rejouer la partie. Je veux dire reprendre comme à sa fin, aujourd’hui, et comme au commencement, l’histoire de la peinture. Faire, peindre, en quelque sorte, le premier tableau et en affiner le processus de réalisation dans une brève série jusqu’à ce qui devrait être, tâche impossible, le dernier tableau, enfin, rendant vaine toute velléité de réitération d’un geste de peintre. C’est pourquoi Franck Chalendard me semble très peu préoccupé par la déconstruction du tableau et moins désireux de travailler les propriétés du support que de les exploiter. La répétition de motifs figuratifs voire abstraits, diffusés massivement par les tissus de mode et d’ameublement, vise à manifester dans ses oeuvres l’inanité même de la peinture. Et à l’arracher au design. Comme chez Bram Van de Velde ? Sans doute. Mais, aujourd’hui, tout semble avoir été fait. Philip Taaffe, Ross Bleckner, Susanne Paesler, voire Christine Streuli, ont déjà joué ce registre, ce rapport dialectique de l’art pictural au textile déjà interrogé par Alois Riegl et depuis, entre autres, par Markus Bruderlin. Comme à sa manière, à ses débuts, par Meyer Vaisman. En acceptant ce constat, Franck Chalendard s’est lui-même condamné, pour nous assurer de la vanité de tout Kunstwollen, paradoxalement, à peindre, à peindre sans cesse, à reprendre sa besogne de peintre, tableau après tableau, en déployant et mettant en œuvre, tableau après tableau, toute la peinture abstraite, toute la peinture, pour la libérer de l’histoire, de son enfouissement, de son dépérissement, de sa mort, de la mort. Mais qui défie Thanatos, Zeus, le temps ou l’histoire, doit en payer le prix. Pour Franck Chalendard, par le recommencement héroïque, sans répit, de la peinture : peindre, peindre, peindre…

C’est un simple, mais très savant, geste de peindre, un geste qu’il faut oser, qui, chaque fois, libère la peinture de tout ce qui pourrait l’avilir, la ravaler au niveau du design, à la production de simples objets sans nécessité, témoignages archéologiques, un jour, du goût d’un moment. Dans cette quête - ancrée cependant dans un formalisme qui suspend tout effet narratif - d’un je ne sais quoi, comme dirait Pierre Soulages, qui emplit le monde, Franck Chalendard, à l’instar d’un Barnett Newman, d’un Mark Rothko, d’un Claude Viallat ou d’un Frank Stella, s’efforce comme y incitait ce dernier, à empêcher la peinture de demeurer « inerte sur la surface du passé » : pour « témoigner sur le monde réel, mais aussi sur le royaume des cieux et sur l’enfer ». 




Artiste de l'exposition : Franck Chalendard


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Ceysson & Bénétière