Louttre. B

05 avril - 26 mai 2012

Louttre. B

05 avril - 26 mai 2012




 LOUTTRE.B - Œuvres récentes

Marc-Antoine Bissière est né en 1926 à Paris où son père, Roger Bissière, enseigne à l’académie Ranson. Il a commencé à peindre en 1942, puis à exposer, sous le nom de Louttre.B, avec Bissière et ses amis, c’est-à-dire quelques-uns des artistes que l’on a qualifiés de non-figuratifs. Dès 1962, il abandonne la non-figuration et sa grille post-cubiste qui permettait à ses usagers de structurer des compositions où s’harmonisaient des visions et des expériences du monde réel transcrites en leurs équivalents plastiques - leurs « invariants » plastiques selon la formule d’André Lhote alors très en vogue. C’est-à-dire non pas des représentations descriptives ou narratives du monde, des êtres et des choses qui le peuplent, mais leurs transcriptions en des faits plastiques, en des configurations et des rythmes de formes et de couleurs visant à signifier leur essence.

Au tournant des années soixante, Louttre.B eut le sentiment de l’impossibilité de perpétuer une formulation cubisante véhiculant une idéologie de la permanence qui n’avait, à ce moment-là, plus aucune prégnance. Les tendances artistiques alors dominantes ne l’intéressaient guère cependant. Pas plus les abstractions expressives et égotistes que les figurations dures aspirant à manifester des engagements, certes louables, mais ravalant la peinture à l’illustration partisane. Mais comment peindre ? Surtout si l’on veut peindre, ce qu’il n’est plus convenable de peindre : le paysage. La permanence d’un paysage dans une réalité qui privilégie la vitesse, le fugace, l’éphémère ! Comment manifester, dans l’histoire, la nécessité et la vérité de la mémoire ? Louttre.B s’y emploie par une sorte de figuration allusive qui construit l’espace à l’aide de strates de couleurs lui donnant chair et matière. À leur surface s’agencent, se heurtent des plans semblant glisser, passer selon des temporalités vécues, mémorisées, accordées à la marche ou à la course des trains et des voitures. Les bords des tableaux découpent des vedute plates, des vues comme se fixant sur notre écran intérieur très brièvement telles celles qui se projettent dans nos souvenirs. S’y insèrent, des signes, des pictogrammes au dessin fermement inscrit dans cette sorte de tectonique des plaques que proposent ses tableaux.

Ainsi peut-il peindre un monde qui nous est familier mais qui, lentement, inexorablement, s’érode, s’efface, du moins la perception ou plutôt le sentiment que nous en avions naguère, jusqu’à hier encore. Louttre.B veut, en peinture, dire la pluie, le vent, le ciel où passent les nuages, leur ombre sur les champs, la terre, le soir et le matin, le soleil, les blés et les fleurs. Il le dit en peinture, comme Maurice Fombeure et d’autres le disent en poésie. Il construit l’espace que bâtit le retour des saisons, des travaux et des jours avec ses moyens, ceux qu’il s’est forgés, qu’il a hérités du cubisme. Et de l’exemple de Braque. Il l’a fait comme en poésie sut le faire Pierre Reverdy dans les constructions très plastiques de son espace poétique, elles aussi redevables au cubisme. Louttre.B exprime non pas un pays mais des paysages habités, vécus, dont il a l’expérience et la mémoire. On pourrait presque le lui reprocher. Voudrait-il célébrer une peinture française ? Au sens que donnent certains à ce terme ? Certainement pas ! Mais ce Quercy auquel tout le rattache, c’est la France. Alors pourquoi cette peinture ne serait-elle pas française ? Mais les artistes contemporains auxquels on peut le comparer ne sont pas des artistes français. Comme A. R. Penck, il utilise une pictographie expressive. Comme les artistes allemands et nordiques de cette génération, Louttre.B maçonne des pâtes épaisses, croûteuses. Il peint des paysages en hautes pâtes souvent mêlées de sable comme pour affirmer leur permanente immobilité dans le juste retour des saisons. Comme Markus Lüpertz, Louttre.B ajuste sa pictographie à une emblématique exaltante. Pour s’ancrer dans un terroir ? Peut-être ? Mais son art ne manifeste en rien une quête identitaire. Pas plus qu’il ne célèbre un pays. Cette pictographie emblématique ne se hasarde pas au dithyrambe. Il s’agit de peinture et non pas de célébration des forces vives et enracinées que fait lever le sentiment d’un Heimat. La densité des paysages de Louttre.B, la matérialité des couleurs qui les architecturent, rendent surtout compte de la solidité de leurs assises géologiques. Comme chez Cézanne ou chez Braque. Dans le contexte artistique contemporain ce « vouloir » en peinture demande de l’audace et du courage.

Bernard Ceysson
 




Artiste de l'exposition : Louttre B


Informations Pratiques

Ceysson & Bénétière
23 rue du Renard
75004 Paris

Horaires:
Mardi – Samedi
11h – 19h
T: + 33 1 42 77 08 22