Tom Friedman

29 avril - 30 mai 2009

Tom Friedman

29 avril - 30 mai 2009




 

Ouverture du nouvel espace parisien de la galerie Bernard Ceysson
Édition d’une monographie. Texte de Bernard Ceysson et Emmanuel Latreille
Vernissage de l’exposition le 29 avril à partir de 14h

La galerie Bernard Ceysson a le privilège de présenter en France, à Paris, du 29 avril au 30 mai 2009, un ensemble d’oeuvres de Tom Friedman, dont certaines ont été réalisées pour cet événement. Ce sera la première exposition personnelle, en France, de cet artiste qui avait cependant, en 1998, participé à l’exposition Poussières organisée par le FRAC Bourgogne. Les oeuvres de Tom Friedman figurent dans les plus grandes collections publiques et privées internationales et ont été montrées par des galeries américaines, britanniques ou japonaises telles que la Gagosian Gallery et la galerie Tomio Koyama à Tokyo.

Les oeuvres de Tom Friedman sont difficilement classables et sont sans équivalent dans l’art contemporain. Elles se caractérisent par la qualité de leur réalisation qui leur confère une prodigieuse efficacité visuelle. D’emblée, elles manifestent « la main de maître » de leur auteur, son aptitude à exécuter des tours de force fascinants qui servent son propos de nous donner à voir que ce que nous voyons n’est ni ce que nous voyons ni ce qui est réellement. Son oeuvre puise aux sources de l’art post-minimal la simplification et la clarification des formes élémentaires des choses simples produisant un jeu phénoménologique qui va de ce qui est là, présent sous nos yeux, à une réalité autre, logique, mais masquée par la présence même de ce qui est là, en face de qui le voit et l’aveugle. Cette navette, pas tout à fait dialectique, est comme relancée par le fait qu’il s’agit d’art. L’art qui est, à la fois, le dispositif qui leurre le regardeur et le déclencheur d’une démarche cartésienne de questionnement rationnel de la réalité. Et, par conséquent, de celle de l’oeuvre d’art. Tom Friedman énonce ainsi une sorte de critique des convictions de l’art conceptuel et minimal remises en jeu par une iconographie pop, légère, banale voire triviale. Imprégnées d’une jubilation et d’un humour subtilement ravageur, ses oeuvres mettent à mal les idées reçues qui façonnent nos réalités mentales et physiques et organisent, au quotidien, nos relations avec notre environnement.
Tom Friedman s’ingénie à perturber notre saisie visuelle du réel, à mettre en évidence que ce que nous croyons voir résulte d’un système de conventions déterminées et conditionnées. Arthur C. Danto a justement noté la ressemblance de l’approche de la réalité par Tom Friedman avec celle à laquelle s’appliqua Descartes. Dans la première des Méditations touchant la Première Philosophie, sous-titrée Des choses que l’on peut révoquer en doute, Descartes écrit : « Il y a déjà quelque temps que je me suis aperçu que, dès mes premières années, j’avais reçu quantité de fausses opinions pour véritables, et que ce que j’ai depuis fondé sur des principes si mal assurés, ne pouvait être que fort douteux et incertain ; de façon qu’il me fallait entreprendre sérieusement une fois en ma vie de me défaire de toutes les opinions que j’avais reçues jusques alors en ma créance, et commencer tout de nouveau dès les fondements, si je voulais établir quelque chose de ferme et de constant dans les sciences. » Ainsi l’agrandissement qu’effectue l’artiste d’une boîte de céréales Total, qui s’impose comme n’étant ni un objet ni un monument, pour citer Tony Smith, résulte d’une minutieuse déconstruction puis du réassemblage de neuf boîtes de ce produit. De même, ce simple, clair et lumineux bloc de marbre immaculé posé sur un piédestal n’est, en fait, qu’un rouleau de papier hygiénique enroulé à nouveau après exclusion du tube de carton qui lui sert d’armature.

Comme l’ont noté ceux qui ont commenté son travail, Tom Friedman se fournit en matériaux pour ses oeuvres dans les supermarchés, les drugstores, les confiseries : balles en plastique coloré, sucres, papier argenté, puzzles, produits détergents, gommes, cure-dents, papier hygiénique, dentifrice, savon, etc. Son propre corps lui offre aussi quelques ingrédients pour des oeuvres décapantes et dérangeantes : cheveux, poils, excréments, etc. La matérialité de ces matériaux est détournée au profit d’une apparence dont la nature est optiquement non appréhendable. On est loin des valeurs tactiles de Berenson et des décrets péremptoires de l’art minimal et conceptuel. À cet égard, une de ses oeuvres est on ne peut plus significative. Une petite boule brunâtre faite de ses excréments est placée sur un socle blanc. La matière de ce minuscule grain, dans l’espace blanc de la galerie et du musée, n’est pas visuellement définissable. Ce grain est d’abord ce point sombre minuscule qui, aux yeux du regardeur cultivé, expose tout soudain la manifestation du sublime. C’est le placement sur un socle, qui fixe, pour qui le voit, à cet objet une place au sein des hiérarchies de l’ordre symbolique et le charge de connotations culturelles étrangères à ce qu’il est réellement. Car même s’il devient une oeuvre d’art, par une mise en scène formaliste qui rend impossible la comparaison avec la boîte de merde d’artiste de Manzoni, ce grain d’excrément reste un grain d’excrément. Les interprétations ou saisies contradictoires que différentes « contextualisations » suscitent n’altèrent en rien sa spécificité matérielle. Se profile ainsi dans la plupart des oeuvres de Tom Friedman une critique du système artistique dont les conventions et les règles, loin d’être établies une fois pour toutes, relèvent d’une approche anthropologique. Mais cette approche, le plus souvent, esquive la réalité objectale de l’oeuvre. C’est ce que donne à voir et veut souligner Tom Friedman par la réalisation impeccable de chacune de ses oeuvres dont la configuration formelle d’abord nous fascine suspendant, en nous absorbant, notre capacité d’observation critique avant d’en relancer la faculté.

Les oeuvres de Tom Friedman sont donc des leurres, quelque peu semblables aux mazzochi des perspectivistes italiens du Quattrocento mais déployés dans un contexte post-cartésien et post-derridien où l’artiste s’emploie, par des sortes de manipulations de prestidigitateur, à un questionnement à la fois enjoué et inquiétant de tout savoir appris et répété. Les transformations qu’ainsi il opère, un désordre soigneusement copié, des « morphings » de son visage, nous signalent que le même est toujours le même malgré les variations qui le changent tel qu’en lui-même se déterminent logiquement cette copie et ces variations. Tom Friedman ne dénature jamais les matériaux qu’il utilise. Il met en exergue leurs propriétés intrinsèques, mais ne les travaille pas pour elles-mêmes. Les préoccupations des années soixante et des années soixante-dix ne lui sont plus indispensables. La question de la peinture et celle de la sculpture se résument selon lui à l’obligation d’un savoir-faire de haut niveau qui sert non pas des contenus à célébrer mais des dispositifs de savoir qui administrent l’expérience vécue et ce dessein de vérité objective qu’il s’impose de toujours remettre en question. Ses oeuvres sont devant nous pour cela, dans une sorte d’ici et de maintenant, de présent à jamais qui ne s’inquiète pas de l’Histoire. Elles condensent dans leur être les apports de la pensée de Marcel Duchamp, les propositions spatiales et linguistiques de l’art conceptuel et minimal et, parfois, celles de l’arte povera. Cette cristallisation s’incarne dans une formalisation s’inspirant ou, plutôt, tirant parti du pop art et du « bien fini » de Jeff Koons. Tom Friedman articule ses dispositifs formels à des processus qui déportent les « étant donnés » de sa logique et les signifiés qui en découlent nécessairement, en les prenant au pied de la lettre, dans la terra incognita de leur capacité sémantique. Comme dans ces chaos qu’il reproduit minutieusement, en miroir, à partir d’une sorte de coup de dés préalable. Ces mises en scène semblent nous faire traverser le miroir au-delà duquel la logique s’inverse en un irrationnel sans limites. D’où ces monstres qui sont venus peupler son oeuvre et se constituent d’étranges agrégats de formes, d’images et de matériaux selon une poétique « Arcimboldesque », savante et naïve, qui fait jouer la culture populaire et la culture savante dans une sorte de dramaturgie philosophique qu’exalte une virtuosité maîtrisée et implacable.

Tom Friedman est né aux États-Unis, à Saint-Louis (Missouri). Il vit et travaille à Leverett (Massachusetts).
 




Artiste de l'exposition : Tom Friedman


Informations Pratiques

Ceysson & Bénétière
23 rue du Renard
75004 Paris

Horaires:
Mardi – Samedi
11h – 19h
T: + 33 1 42 77 08 22