Ceysson & Bénétière

« Cher Pierre,

Voyant ce choix d’oeuvres tirées de tes carnets, je me souviens que le glanage est un droit d’usage, qui existe depuis le Moyen Âge, autorisant à ramasser dans les champs les épis ayant échappé aux moissonneurs. Bonne manière de dire, me semble-t-il, à la fois ta tendance à faire avec ce que les autres ont laissé derrière eux, tel un rebut, et cette façon que tu as, ici comme ailleurs, de réunir de façon délibérément déhiérarchisée croquis de carnets et oeuvres ayant connu une destinée publique. Je me dis, regardant cela, qu’il y a quelque chose de politique dans ce geste, mais à bas bruit. 

Devant cette collecte, ce qui me frappe encore, c’est à quel point, chez toi, le dessin est premier. Tu avais un père architecte et tu sais depuis longtemps l’art du relevé, cette pensée dessinante qui t’a appris que l’on ne comprend jamais aussi bien une chose que le crayon à la main. De cette volonté de comprendre, qui est tout autant une volonté d’apprendre, tes carnets sont un juste témoignage, car ils demeurent, depuis tes travaux d’élève aux Beaux-Arts jusqu’à aujourd’hui, le lieu de l’exercice : ce moyen de ne jamais perdre la main, tout en confrontant celle-ci à la redoutable épreuve de l’observation, pour laquelle nul acquis ne sut jamais.

Extrait du texte de Pierre Wat

Ceysson & Bénétière
10 rue des Aciéries
42000 Saint-Étienne