Marc Devade

1943 - 1983

09 décembre 2023 - 10 février 2024

Marc Devade

1943 - 1983

09 décembre 2023 - 10 février 2024




 

Marc Devade a tenu au sein de Supports / Surfaces une position clé, éminente et singulière. L’on peut affirmer d’emblée que son œuvre ne souscrit en rien à la programmatique adoptée par Daniel Dezeuze et Patrick Saytour telle que l’a promulguée Claude Viallat en une sentence lapidaire. En octobre 1973, son essai, publié dans Peinture. Cahiers théoriques, « La peinture vue d’en-bas », sous le couvert d’une critique du formalisme kantien de Clement Greenberg et de Diane Waldman et de Robert Mangold, peut se lire comme une charge à l’encontre des artistes provinciaux du « groupe » voués, selon lui, à un matérialisme mécaniste du matériau, à une croyance en l’autonomie des formes et à la défense d’une continuité idéaliste niant la force des ruptures engageant un matérialisme réellement dialectique. De la réduction formaliste et de la primauté du visuel selon Greenberg, il résulte une bascule entre la métaphysique et le positivisme productrice d’objets muséographiques et marchands. Dès 1970, s’était profilé le conflit, après le récit fait de l’exposition Support – Surface présentée à l’ARC (décembre 1970 – janvier 1971) par Patrick Saytour et Claude Viallat. Dans Les Lettres françaises du 10 mars 1971, les raisons d’une prévisible scission sont clairement explicitées par Louis Cane. Les péripéties et les étapes de la dispute entre 1970 et 1972 sont bien documentées dans les archives laissées par Jacques Lepage. Claude Viallat a démissionné, le groupe créé en droit le 5 août 1971. La rupture est consommée, le 22 juin 1972, lorsque Daniel Dezeuze démissionne à son tour. De facto le groupe n’existe plus. En déplorant la réconciliation de Marc Devade avec « le marchand Templon » permettant de célébrer « les noces de Supports / Surfaces avec Art Language (formation du pire avant-gardisme) », Daniel Dezeuze dénonce le « centralisme bureaucratique » de la revue Tel Quel.

 

C’est que l’opposition porte avant tout sur des questions idéologiques qu’il ne faut pas prendre à la légère. L’essai cité plus haut vise à charger les « provinciaux » de maux prêtés surtout à Clement Greenberg. La pierre d’achoppement, le nœud de la discorde, c’est le statut de la relation entre la théorie et la pratique. Pour Claude Viallat et les « provinciaux », la pratique prime sur la théorie. Implicitement aristotélicien, leur matérialisme est élémentaire. Et dans le cas de Viallat quasiment présocratique. Quant à Daniel Dezeuze, il suit alors assidûment les séminaires d’Althusser, lequel s’évertue à remettre à jour la pensée de Marx en la dégageant des « réalisations » qui l’ont abîmée. Marc Devade, lui – et dans son sillage Louis Cane –, ne veut pas dissocier la théorie de la pratique, inséparables, quasiment consubstantielles en un sens presque théologique. Je veux dire à la sauce Mao. Le dépassement nécessaire d’un marxisme appauvri, épuisé, stalinien, tel qu’exploité par les communistes français, n’est possible qu’en y associant dans une cristallisation efficace la psychanalyse – celle de Freud et Lacan explicitée par Julia Kristeva –, le structuralisme saussurien révisé par Barthes et quelques autres. Et, bien évidemment, en articulant, dialectiquement s’entend, cet avant-gardisme théorique à l’avant-gardisme politique de la pensée Mao Tsé-toung. L’Orient a toujours fourni – la reine de Saba, le Prêtre Jean – à l’Occident l’Ailleurs salvateur nécessaire à son imaginaire utopiste. Pour abolir le coup de dés portant au constat fait par Mallarmé pour des Esseintes : « Que ce pays n’exista pas. » ? De même qu’il y a depuis, avant même le xixe siècle, une sorte d’aspiration à une association amoureuse entre l’action politique et la création artistique. Support-Surface, dans sa relation « telquellienne » avec le maoïsme, se calque sur le Surréalisme géré par un Breton s’imaginant Secrétaire général d’un parti totalitaire. Daniel Dezeuze, en 1972, est pleinement conscient que ce qu’il désigne comme une inflation de la pensée Tel Quel – édictée par Philippe Sollers en André Breton – veut constituer un socle de croyances fixant une origine à partir duquel peut se recréer un passé porteur d’un achèvement de l’Histoire. De l’absolu dont Dante, Joyce et Pound, sont les prémices découle l’écriture de H et de Paradis. Un Monde nouveau ne peut advenir que rénové le langage, arrêtées les pendules, promulgué un nouveau calendrier, faite une coupure. 


Marc Devade n’a pas récusé Support – Surface. Il a accepté une alliance qui l’a servi et a servi à établir la notoriété du « groupe » et du moment Supports / Surfaces. Comme s’il lui revenait dans la sphère Tel Quel d’être parallèlement à Marcelin Pleynet commis aux questions de l’art et de la peinture. L’alliance se justifiait en outre parce qu’à l’instar d’un certain nombre d’artistes américains, ceux qui vont se réunir sous l’intitulé de Supports / Surfaces, affichent leur revalorisation du médium (Greenberg), cette apparente autonymie du tableau, « réduit à ses caractéristiques spécifiques : bi-dimensionnalité, surface plane, forme du support, propriétés du pigment, coloré [...] c’est-à-dire la fin de toute représentation ». La peinture pour Marc Devade est plus qu’un métier, bien plus qu’une philosophie.


Cela ne saurait suffire, même si Marc Devade a produit des œuvres « abstraites », géométriques, résolument minimalistes, très concrètes car excluant toute incitation à l’effusion « poétique » et à la méditation disons métaphysique, montrées lors de l’exposition inaugurale de l’ARC. Ces œuvres semblent interdire toute visée phénoménologique. Elles se caractérisent même comme des systèmes clos de formes arrangées selon des normes de composition harmonieuse. Il est intéressant de noter que dans la description délibérément simpliste qu’ils en font en 1970, Saytour et Viallat y voient des portes, des fenêtres, les reportant ainsi aux paradigmes matissiens. Devade contestera fortement, à juste titre, cette décevante ekphrasis. Mais ses premières peintures à l’encre en 1972 – des travaux plus récents en 1978 quasiment figuratifs – évoquent nettement des portes, des fenêtres closes ou cadrant partiellement le blanc – le vide ? – de la toile support. Viallat y percevra une profondeur. Celle dont Greenberg, précisément, crédite Monet. Dans son essai, Devade décrète que cette « profondeur » rend heureusement caduc « l’aplatissement progressif de la structure peinture » telle que « Greenberg l’a envisagée ». C’est en substituant l’encre à la peinture à l’huile, plus radicalement qu’il ne l’a fait entre 1965 et 1967 dans des œuvres sur papier dont certaines, expressivement lyriques, sont tachistes, à la Michaux et à la Pollock, que Devade porte la couleur à une saturation qui la libère de toute censure quant à « la question de la sexualité et ses bases pulsionnelles [celle] de la jouissance génitale différenciée et non centrée sur un objet fétiche phallique reproducteur ». Claude Viallat, entre autres, a, à la suite de Matisse accentué disons la sensualité de la couleur en lui reconnaissant sa séduction, le plaisir qu’elle procure, telle qu’exprimée, dès le xviie siècle, par les rubénistes lors des débats sur le coloris rapportés par Roger de Piles. Au xxe siècle, Lhote, dont la manie pédagogiste, exerça une indéniable influence sur les artistes de cette génération, prisait plus que le « langage sensuel » de la couleur des impressionnistes le « langage spirituel » du cubisme bien qu’à la Libération il ait célébré la jubilation colorée de la jeune peinture française. On peut voir dans la passion française des années 1960 et 1970 pour Matisse une échappatoire à la rigueur du cubisme et une répudiation des traités bien sages d’André Lhote. Ce renversement a été déterminant après la publication, en 1971, du livre « évangélique » de Marcelin Pleynet, célébrant Matisse, sa couleur orgamisque habilement raccordée à la psychanalyse, intitulé – pied de nez à André Lhote et à ses manuels pratiques que sont ses traités – L’enseignement de la peinture. Marcelin Pleynet est alors, par ailleurs, très critique, par exemple à l’égard d’Olivier Debré, de la survivance de la grille cubiste. Ce rejet est manifeste dans le travail de Devade dès 1972 mais bien plus encore dans une admirable suite d’œuvres en 1973. L’encre l’a facilité. Se diffusant dans le tissu – le texte – de la toile, l’encre permet des aplats subtilement modulés auxquels le grain de la toile ajoute ces vibrations de valeurs reprises en les modernisant – pour les rendre agissantes au point d’arrivée de l’avant-gardisme moderniste occidental – des paysages atmosphériques de la peinture et des lavis à l’encre de Chine, de la tradition artistique chinoise ancienne.


L’exposition déploie une belle série de ces « peintures », datant de 1973 et 1975, surtout sur toile le plus souvent au format carré – 200 × 200 cm partagés en trois bandes horizontales irrégulières ou, de manière plus symétrique, verticales. Il se trame dans ces œuvres une sorte de mise en parallèle, voire une sorte d’effet de miroirs – pas tout à fait une mise en abyme – de la peinture américaine moderne et de la peinture chinoise ancienne. L’effet pour qui voit de telles œuvres est saisissant en portant à une interrogation qui va bien au-delà de l’attractivité que toute belle peinture provoque. Je tente de dire que la satisfaction de l’œil ne suffit pas et que l’œuvre ne « fonctionne » que si la théorie indissociable de la forme qui en établit la pratique est comprise, en quelque sorte validée comme une vérité transcendant la forme et l’expérience de qui la produit et de qui la reçoit. L’œuvre attise la tentation d’une saisie comparatiste. Mais elle ne peut que décevoir. La partition horizontale permet de citer Mark Rothko, la verticale Barnett Newman. Mais formellement ça ne marche pas. Nulle effusion émotionnelle à la Rothko. Nulle exaltation à une sublimation héroïque à la Newman. Devade ne veut ni des pleurs ni l’abandon à un suspens tragique un brin nietzschéen. Il veut que se dialectise la délectation renvoyant au corps et le sursaut de la pensée. Il est véritablement en ce sens ce peintre théoricien qu’a bien décrit Camille Saint-Jacques. Il n’empêche et des dessins de 1978 y convient que la bande blanche ne relève en rien d’un souci formaliste d’alternance animant l’espace de l’œuvre. On peut oser y voir une lumière qui vient ou une lumière d’appel, blanche et extatique, propice à un passage. Et mal citer la formule appliquée par Starobinski à Rousseau. L’énigme de cette traversée blanche pourrait nous reconduire aux lumières blanches de l’Angelico et de Piero. Mais jusqu’où aller dans l’anachronisme toujours déceptif : une allégorie de l’histoire finie ? De l’histoire passée et annulée ? 


La force d’une énigme est celle qu’expose tout passage proposé comme coupure. Il ne s’agit pas de l’Ouvert au sens de Hölderlin, Novalis, Rilke, Frobenius ou Maldiney. Mais ce dernier dans l’un de ses essais nous fait pressentir qu’il n’advient qu’avec les éboulis de l’Histoire, d’une histoire qui ne peut ni se répéter ni bégayer. En cela, bien qu’indissolublement liée à son vécu, à sa vie, la peinture de Marc Devade accomplit en peinture les espérances de l’exercice du matérialisme dialectique : cette rêverie voyageuse vers un Orient qui retourna ceux qui l’entreprirent vraiment à retrouver de l’Europe « les anciens parapets » et l’eau noire de sa « flache ».


En 1975, ce vide énigmatique s’emplit, se remplit, resserrant dans le lieu du tableau fortement délimité en son centre et à ses bords par une structure en H allégorisant le H titrant le livre – plus mythique que roman oublié – de Philippe Sollers (voir le site internet Pile face) – prélude à Paradis. Ce livre date de 1969. Devade y fait retour, l’équipée chinoise achevée. La structuration en H s’établit en diptyques dont les deux parties se superposent. Il en résulte à leur ajustement une ligne horizontale et un trait vide – blanc ? Non pas une lacération, non pas un tracé né d’un geste et non pas une coupure. Le trait ne requiert aucune suture. Son horizontalité ignore la verticalité des partitions de Newman. Mais il est flanqué en haut et en bas de deux bandes peintes qu’il scinde comme pour en interdire la réunion. Il laisse apparaître la possibilité d’un repli et d’un dépli : l’ouverture et la fermeture d’un livre, un tourner la page ? La structure en H obligeant en peinture le renversement de l’orientation propre à tout livre comme en rappel de la quasi-illisibilité de H où se compactent plus fortement que dans une accumulation d’Arman des mots, des mots, des mots entassés sans ponctuation selon un procédé rappelant l’écriture automatique ses surréalistes. On peut suggérer que proféré, scandé, rythmé, se rétablissent des sens. 


Ces deux séries, comme les œuvres ultimes dont je ne tenterai pas ici le commentaire, peuvent nous apparaître comme une cristallisation de l’art occidental que structureraient en littérature Dante, Joyce, Pound et Sollers dont les œuvres tiendraient dans leur formulation exempte de toute soumission idéologique. Le peintre comme le poète se tient sur un fil, dans une immatérialité blanche, au-dessus du vide ou du volcan, allégé du politique. Il se tient en face du monde et même de son œuvre : « al mezzo del cammin ».


À distance entre l’œuvre et l’homme qui voit l’œuvre pour soutenir ce dont Marc Devade entend bien la charger, le monochrome offre toujours la simplicité d’une solution formaliste : celle du monochrome. C’est-à-dire une paroi s’offrant à la fois comme un obstacle ou, si la couleur est modulée, une profondeur – appelant un enfouissement – espérée comme la promesse d’un ouvert. Dans les deux cas, sur cette surface peuvent venir « se faire et se défaire des sens » (Soulages) ou seulement y glisser. Lancés par qui la regarde et retournés en boomerang dans une navette nécessairement dialectique ? Le compartimentage de la toile en rectangles oblongs n’est pas une « grille », mais seulement l’évitement des affects du monochrome et des effets théoriques de son histoire. Comme pour se débarrasser de toute illusion d’enveloppement maintenue même chez Newman. Une reproduction de Cathedra montre le placement très proche de deux spectateurs qui, de leur point de vue, ne peuvent saisir du regard la totalité de la toile : un pas de plus pour l’un, deux pas de plus pour l’autre et l’obstacle sera traversé. Avec tout ce qui peut s’ensuivre ? Marcheront-ils dans la couleur ? La mise à distance par le compartimentage picturalement matérialisé récuse tout point de vue et tout point de distance « ordonnateurs » d’une hiérarchie spatiale idéaliste : celui de la perspectiva artificialis selon Alberti – voire selon Piero ? – mais peut-être pas celle d’Uccello, bien commentée dans Peinture. Cahiers théoriques.

C’est dans cette distance que l’homme qui voit peut penser un espace physique, réel, par le jeu de la relation vivante entre son corps et ses savoirs. Ce qui renforce le pouvoir de la peinture, cette fameuse « peinture » indéfinissable et qui n’est qu’un postulat énigmatique. Comme Dieu ? Comme chez Barnett Newman les tracés des lignes horizontales et verticales s’effrangent, s’effilochent, échappant ainsi à l’idéalité géométrique parce que s’objectivant en peinture. Dans les œuvres ultérieures, en trois parties, presque délibérément un retable triptyque, les tracés acérés délimitant sur les volets latéraux les compartiments comme pour opacifier la surface, la murer plutôt, interdisant la possibilité d’une traversée, semblent comme incisés maladroitement dans la matière picturale. La partie centrale du triptyque qui sépare physiquement ces volets consiste en une étroite bande monochrome ostensiblement verticale. Elle est sèchement entaillée en son milieu par une ligne légèrement ondoyante. Cette bande force la mise à distance du regardeur, comme si elle « allégorisait » un espace physique, réel où intervenir. Deux grandes toiles veulent, apparemment, établir un ordre, entre deux volets dans lesquels la couleur se disperse, se dissémine, s’éparpille comme après une implosion livrant au chaos que la bande verticale vise à ordonner. On est tenté de voir ces œuvres comme des explicitations inattendues et correctives d’une œuvre clé de Barnett Newman : Onement I. Mais comment ne pas rappeler ici que l’une des armes acérées du prolétariat et des révolutionnaires est l’une des thèses formulées ainsi par Mao Tsé-toung : « Toute chose se divise invariablement en deux. » Cette « loi de la contradiction inhérente aux choses, aux phénomènes, ou loi de l’unité des contraires, est la loi fondamentale de la dialectique matérialiste »


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Les intentionnalités, au sens qu’a donné à ce terme Michael Baxandall, de la peinture de Marc Devade ont été en quelque sorte imagées, figurées, sur le mode de l’emblème littéralement par un signe exposant, comme dans une impresa ce que doit être son fonctionnement intellectuel dans l’art occidental. En 1969, au centre d’une toile non montée sur un châssis mais fixée en son haut et en son bas sur un bâton de bois cylindrique, Marc Devade a transposé, occidentalisé, en un logogramme établi par des larges barres noires – un carré enfermant en son centre, la croisée de deux lignes allant d’un bord du carré à son bord opposé – le caractère, l’idéogramme chinois hua signifiant : Peinture. La toile ne doit pas être pliée mais doit s’enrouler et se dérouler à l’instar d’un kakémono. Les bords en sont marqués de bandes noires interrompues comme pour ne pas encadrer la toile. Mais nul dessein d’une confluence de deux cultures se confondant en une forme symbolique matérialisant un « deux fusionnent en un » révisionniste. Cette emblématique est celle d’un manifeste révolutionnaire aspirant à la transformation révolutionnaire de l’art moderne occidental. C’est pourquoi cette impresa a peut-être bien, intentionnellement, comme motto intrinsèque : « Toute chose se divise invariablement en deux. »


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Et pourtant, il y a dans les dernières peintures, et ce peut-être depuis les tribulations « pérégrinantes » et très surveillées de « telquelliens » en Chine, comme une fêlure sensible dans les incisifs de frêles tracés mal continués comme l’impossibilité de suivre une ligne ferme dans sa rectitude idéologique. Lorsque s’affaiblit le politique revient dans l’art la réassurance du sacré et/ou du religieux. Il faut revenir à cet extrait de « Théorie ou les figures de la peinture » publié, en 1977, dans le numéro 12 de Peinture. Cahiers théoriques » et dans Camille Saint-Jacques, « Marc Devade peintre théoricien » (Archives d’art contemporain n° 2, éditions Lettres modernes, Paris, 1986). Camille Saint-Jacques le présente en insistant sur le fait que le « geste de la couleur » prend le pas sur « le discours comme élément structurant de la pratique » – la mise en question du primat de la théorie ? La peinture semble, ajoute l’auteur, « combler l’espace des sens possibles comme une véritable biographie ». Un moment s’achève que clôt Louis Cane par l’affichage « de son retour à l’iconographie religieuse » :

« Loin des réductions auxquelles est soumise actuellement la peinture dite non figurative (?), abstraite (?), analytique ou autre (en un mot : formaliste, soit sous la forme post-expressionniste ou post-minimaliste), on voit que la prise en considération de la place du sujet dans cette pratique est tout autre chose qu’une réintroduction de la subjectivité (expressionniste) contre un prétendu anonymat (réductionniste ou minimaliste), mais la seule chance de redonner à la peinture sa forme symbolique qui va s’exténuant depuis que la religion, ayant perdu tout sens et n’étant pas analysée, fait retour comme retour du refoulé dans l’art. L’art, substitut de la religion comme médiation entre la jouissance et les institutions, la loi, et en tant qu’elle met en jeu les mêmes pulsions que la religion, demande un long travail d'analyse que nous avons esquissé ici et par ailleurs. Dans ce processus, la psychanalyse en transformant le discours sur la peinture, en mettant en place une relation autre de son procès et en faisant l'analyse de la relation elle-même (de la religion), est l’enjeu primordial d’une pratique d’où seraient exclues et la réduction et l’archaïsme. Nous n’en sommes qu’aux prémices d’une nouvelle complexité en train de se figurer, pratiquement, sans mythe et de se figurer dans un discours autre. La dissolution du fétiche (religieux) et de son investissement comme image peinte est la longue marche de la connaissance interminable de l’analyse à perte de vue d’objet vers l’impensable. »



Bernard Ceysson


 




Artiste de l'exposition : Marc Devade


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Ceysson & Bénétière