Louttre.B

On n'enferme pas le ciel

14 décembre 2023 - 07 février 2024

Louttre.B

On n'enferme pas le ciel

14 décembre 2023 - 07 février 2024




 

« J’habite ma propre demeure, Jamais je n’ai imité personne, Et je me ris de tous les maîtres Qui ne se moquent pas d’eux-mêmes. »

« On n’enferme pas le ciel », même si, lorsqu’il est bas et lourd, il peut peser comme un couvercle. Ce n’est jamais le cas des peintures de Louttre.B, et spécialement de ses paysages. Regardons, par exemple, ce Paysage d’ailleurs, peint en 2012 à l’acrylique (Louttre.B a à peu près tout essayé en matière de cuisine picturale, l’eau, la colle, l’huile, le sable...) sur une assez grande toile (180 x 200 cm) : une composition étrange, d’abord, avec au centre un grand arbre esquissé avec des touches de bleu qui domine une petite figure, presqu’un signe qui voudrait dire « maison ». Deux lignes, assemblages de points blancs pour les murs, un large trait bleu pour le toit-terrasse, une série de petits carrés blancs pour les fenêtres. On songe à L’Armoire de Paul Klee, une œuvre sur papier de 1940, quatre traits noirs formant un rectangle qui contient mal un aplat rouge : comme elle, sa « maison » a l’apparente simplicité, l’élégance et la puissance contenue des idéogrammes.

« Arbre » et « maison » sont posés sur un fond qui forme une diagonale dans le tableau, zébrée de grandes touches rouges, sur un fond ocre-jaune, tirant parfois vers le verdâtre, qui est celui de l’ensemble de la toile. De part et d’autre, des coups de brosse ont fait danser des bleus et des blancs, certains très denses, d’autres presque opalescents, qui relient cette oblique centrale aux deux autres, latérales celles-ci. Le tout s’appuie sur une base apparemment solide constituée d’un enchevêtrement d’obliques rouges, agencées à la manière dont un ingénieur le ferait des poutrelles d’un pont. Si ce n’était la dominante chaude de l’ensemble du tableau, on se croirait dans un paysage tempétueux. Mais il s’agit ici d’un cataclysme joyeux : la « maison », de par la simplicité de sa construction, paraît apte à résister à n’importe quel cyclone...

Les autres tableaux de cette exposition ont tous en commun cette complexité joyeuse : Chassés du paradis, mélange de sable, d’acrylique et de couleurs apposées à la bombe de peinture, datée de 2006, montre deux arbres pimpants sur un fond d’une noirceur terrifiante. A leurs pieds, une myriade de petites fleurs toutes gaies. On se dit que, s’ils ont perdu le jardin d’Eden, celui qu’ils sont en train de recréer est bien plus prometteur ! La petite maison de Pénélope (2010) ou ces autres toiles sans titre qui représentent aussi des habitations ont les mêmes caractéristiques : modestes maisonnettes plus que somptueuses villas, destinées à protéger leurs habitants plus qu’à vanter leur fortune. Elles semblent à la fois fragiles et indestructibles.

Les natures mortes – bien vivantes – sont de la même eau. Un savoureux mélange de simplicité apparente et de complexité bien dissimulée. Trois tasses alignées, juste représentées par des lignes noires – là aussi on repense à Paul Klee – ou Trois brioches, qui ressemblent plus à des gros bonbons tant la manière dont elles ont été peintes est dense et subtile, au point qu’on en oublierait presque la composition du fond qui est d’une rigueur implacable. On sent à les regarder que Louttre B. avait la peinture savante, mais joyeuse. Ce que l’on nomme le gai savoir : « Pour le poète et pour le sage toutes choses sont familières et sanctifiées, tous les événements utiles, tous les jours sacrés, tous les hommes divins. » ( Emerson).

Harry Bellet

 




Artiste de l'exposition : Louttre B


Informations Pratiques

Ceysson & Bénétière
21 rue Longue
69001 Lyon

Horaires:
Mardi – Samedi
11h – 18h
T: +33 4 27 02 55 20