Noël Dolla

SENS Dessous/Dessus

21 avril - 28 mai 2022

Noël Dolla

SENS Dessous/Dessus

21 avril - 28 mai 2022




 

Deux séries d’œuvres sont présentées sous l’appellation SENS Dessous/Dessus. Des snipers et des fumées.


Les snipers sont des peintures obtenues par éclatement de la matière picturale à l’aide d’un « fusil » à air comprimé qui vient littéralement pulvériser la couleur préalablement déposée sur la toile. D’abord simples points pulvérisés et situés sur la surface de la toile, les snipers évoluent ensuite vers des lignes soufflées. Cette série se déploie progressivement à partir de 2019. L’artiste se fabrique pour cela une sorte de nacelle suspendue sur laquelle, à plat ventre, il peut diriger l’impact de la puissance de l’air comprimé à haute pression sur les touches de peinture qu’il a déposé pour former sa composition, le plus souvent linéaire, orientée. En effet, une première trajectoire opérée physiquement par l’artiste sur sa « civière suspendue » constitue une « ligne-tracé » de peinture noire établie plus ou moins rapidement. Un second déplacement du corps pose les couleurs le long de cette « ligne-tracé » selon un aléatoire contrôlé, bien que le dispositif de déplacement horizontal confine l’artiste à travailler en aveugle. Puis, un dernier passage au dessus de la toile colorée permet la destruction par un souffle puissant des blocs de matière picturale qui se vaporisent et s’étalent sur la toile immaculée. L’outil du peintre est toujours signifiant et l’artiste cherche à sa manière le bon moment, le kaïros (moment critique) du désir où il appuie sur la gâchette. 


Les fumées, quant à elle, appartiennent à une autre histoire du travail de Noël Dolla bien qu’elles s’enracinent également dans un processus conceptuel similaire aux snipers. L’artiste utilise la fumée noire émanant d’une mèche allumée et à la combustion incomplète, qui vient s’adsorber sur la surface encore fraiche de la peinture. Cette fois ci, la fumée oblige l’artiste à se positionner en dessous de la toile, pour que les volutes se fixent aux endroits voulus, recouvrant parcimonieusement la surface. A ce processus, Noël Dolla ajoute une autre dimension, plus biographique puisqu’il utilise une échelle qui lui sert de cache, ou de contre-pochoir, afin de laisser les fumées se fixer sur la toile en épargnant la surface sur laquelle est disposé l’objet. L’échelle métallique utilisée est celle qui, dans son enfance, lui permettait de monter dans sa chambre mezzanine. 


Objet à fonctionnement symbolique et mémoriel, il n’est cependant pas sans résonances avec l’Histoire. La petite échelle de l’enfance rencontre ici la grande échelle de l’Histoire. Noël Dolla qui nait en mai 1945 sera sans doute surdéterminé par les bombardements atomiques américains d’Hiroshima et de Nagasaki. Les premiers observateurs s’aperçurent que l’éclair de la bombe avait décoloré les façades en béton. On découvrit des silhouettes humaines sur le trottoir de la rue, et une échelle verticale maintenue par un homme debout, à même le mur, comme des négatifs de photographies. 


Les snipers sont une violence décorative en plongée tandis que les fumées sont fixation d’affects chromatiques en contre-plongée. Les tableaux exécutés « en plongée » ou en « contre plongée », sont ensuite disposés verticalement, pour être montrés et subissent une inversion de la logique spatiale d’exécution. La peinture est sens dessous/dessus, locution renversée par Noël Dolla qui opère ici une double proposition.


L’échelle dialogue avec, bien évidemment, les questions de dimensions et de proportions que tout artiste manipule et avec lesquelles il négocie, mais aussi avec l’incidence mémorielle du souvenir et des années passées qui chargent les objets que l’on a gardé et qui deviennent petit à petit sources d’affectivités. Quant aux snipers, par l’attaque qu’ils manifestent à l’égard du corps peinture, ils sont la résurgence des années supports/surfaces dont Noël Dolla ne cesse de s’affranchir tout en renouvelant le discours visuel et conceptuel de ce mouvement fondateur pour sa propre pratique. Les œuvres comporteront toujours cette dialectique entre d’un côté la radicalité de la peinture abstraite et de l’autre la prise en compte du quotidien et de l’intime. Autrement dit, le travail de Noël Dolla sera constamment balloté poétiquement entre le « sujet peintre » et le « sujet social et politique ».


L’irrévérence à l’égard du vocabulaire de la peinture -en lui tirant dessus-, tout autant que les fumées ne sont pas pour autant des choses nouvelles. Ses derniers tableaux montrent remarquablement comment la reprise de pratiques anciennes, la mémoire du geste, de la technique ou de la pratique interviennent dans le processus même de création.


La trame de cette exposition Sens Dessous/Dessus propose un dialogue entre le travail de l’artiste aujourd’hui et, par citation, la cohérence d’un travail plus ancien, plus lointain d’une certaine manière, mais d’une contemporanéité toujours chargée. Les œuvres ont le silence de leur beauté et ne laissent rien apparaître des méandres psychiques d’où elles proviennent. 


Fabrice Flahutez

 




Artiste de l'exposition : Noël Dolla


Informations Pratiques

Ceysson & Bénétière
21 rue Longue
69001 Lyon

Horaires:
Mardi – Samedi
11h – 18h
T: +33 4 27 02 55 20