Du Brandy dans son jus.
Il y a des années que nous suivons l’ouvrage de Robert Brandy, car il a une façon d’aborder la toile ou le papier avec une véhémence peu ordinaire, indubitable, qui mouche le nez aux frilosités. Brandy va à l’abordage !
Est-il tributaire de sa rage de vaincre quand, pilote de rallye, il pousse sur le champignon pour aller plus vite, plus loin ? Le lien de cause à effet n’est pas évident et, quand il est peintre, il règle sa vitesse de croisière sur l’engagement qu’il s’est promis de justifier.
Brandy a eu sa période conceptuelle, ses boîtes à secrets, ses histoires. Il a, par ailleurs, une verve plastique qu’il allie à une obsession de dépassement de l’entendu que tout artiste digne de ce nom se réserve en priorité. Brandy rechigne à faire du Brandy, même si, d’une expo l’autre, on retrouve, face aux gestes de bravoure ou d’introspection, un homme, toujours le même, qui se remet en question.
Le fruit de l’exposition de Saint-Etienne est une sorte d’apothéose liée à la triste et redoutable, récente, mise sous le boisseau d’une humanité en péril. Loin de ranger ses brosses, ses encres et pigments en un atelier qui serait triste sans qu’ils l’éclaboussent d’énergies en action, Robert Brandy a pris le taureau de la peinture par les cornes, lui a fait cracher, gicler, des formes, des élans, des couleurs en concordance avec ses sensations du moment.
Inspirées parfois par des phrases de poètes auxquels il a rendu hommage, plus généralement par ses propres ressentis face à l’adversité ambiante, Brandy a cinglé ses papiers, petits ou grands, de véhémences, de nœuds contraignants, d’architectures disloquées, de connivences, de césures, d’issues souvent violentes. Il leur a donné une sorte d’aire de résilience sur des fonds bleus, ocres, roses ou jaunes que les noirs et blancs de l’avant-plan confortent d’explosions endiablées.
« Ne nous laissons pas abattre, déployons l’énergie, l’énergie à l’état brut », nous disait-il. Il ne nous a pas menti !
Roger Pierre Turine
Bruxelles, 26 janvier 2021
