The Ecstasy of Saint Britney

Commissaire d'exposition: Francesca Pessarelli

11 juin - 29 juillet 2022

The Ecstasy of Saint Britney

Commissaire d'exposition: Francesca Pessarelli

11 juin - 29 juillet 2022




 

L'Extase de sainte Britney. Le sanctuaire sûr et sacré de la soirée pyjama où nous nous consolons du lynchage culturel d’une Britney, d’une Paris ou d’une Lindsay ; le dénigrement d'Elle Woods (La revanche d’une blonde, 2001) ; la belle-mère maléfique de Fiona (Comme Cendrillon, 2004) ; la mesquinerie diffuse de tous les personnages vêtus de rose dont nous ne retenons jamais les noms, car la figure du « garçon manqué » – je déteste cette expression – finit toujours par triompher. À quel moment la femme est-elle devenue méchante ? À l’évidence, ce n'est que récemment que nous avons accepté que le rose rime avec mièvrerie et que l’extrême coquetterie dénote un manque de substance.


Le Bernin et ses mécènes ne voyaient pourtant pas d’un mauvais œil l'exubérance flamboyante et tourbillonnante de la pure matérialité. Si l’on interrogeait sainte Thérèse ou la bienheureuse Ludovica Albertoni, elles diraient que Le Bernin savait mieux que quiconque imprimer l'extase féminine dans la dorure et la pierre. Et, naturellement, nul ne doute des facultés mentales de Jules Hardouin-Mansart en s’imaginant gambader à travers la galerie des Glaces de Versailles dans ses propres fantasmes d'extravagance. Ces hommes étaient au service de rois et de papes et, selon certains, de Dieu lui-même ; justifiant ainsi l’impulsion qui les conduisait à placer de petits éléments en filigrane dans chaque espace vide.

Les artistes exposées considèrent l'excès comme un atout. Au-delà de la profusion de paillettes, leurs œuvres foisonnent d’affirmations positives d'estime de soi et de fragiles éclairages sur la façon dont elles perçoivent le monde. Chacune à leur manière, elles pansent le chaos et leurs blessures d’enfance en troquant la répression contre une expression joyeuse et radicale. Anna Cone sacralise la liberté de ses sujets en mêlant à la photographie de studio des pièces religieuses et ornementales historiques. Elle puise dans le baroque et le kitsch pour recalibrer et se réapproprier le regard masculin traditionnel, qui domine encore la photographie de mode et les médias, des industries que l'artiste connaît intimement. De la même façon, Ali Hval réunit des références au corps, à la joaillerie et à l'architecture, en embrassant la gaucherie et l'euphorie finale de la construction de l’identité. En résultent des œuvres qui oscillent entre espièglerie enfantine, fétichisme et divin. À travers la densité picturale de ses urnes, Yvette Mayorga explore le traumatisme de la crise de l'immigration américaine, le poids des frontières genrées du travail et la façon dont les réseaux sociaux, la militarisation et le patriarcat s’entrelacent et s'amplifient. Leur texture évoque la confiserie et leurs silhouettes élégantes et familières nous plongent dans la noirceur des réalités qu’elles dénoncent. Les intérieurs vitaminés – et peut-être hantés – de Rachael Tarravechia traitent également du rapport entre inquiétude et gaieté. De petits memento mori sont disséminés dans ses pièces somptueusement décorées : un couteau, un ciel annonçant la nuit imminente, l'absence criante de tout être humain. Leur qualité cinématographique nourrit notre nostalgie pour les teen movies de notre enfance, sans jamais effacer la rancœur implacable de la rivalité féminine que ces histoires perpétuent.


Organisons une soirée pyjama dans la galerie des Glaces. Ou, pourquoi pas, à la Basilique Saint-Pierre de Rome ou au Belvédère de Vienne. À vous de choisir. Mais attention, pas de garçons ! Seules sainte Britney et ses meilleures amies se prélassant, en chaussettes, et discutant de géopolitique, de droits humains, de leurs amours et de leurs ex, du patriarcat, du droit à disposer de son corps, de la Fashion Week de New York et du port d'armes à feu, tout en se peignant les ongles et en tressant les cheveux des unes et des autres dans la sacralité et la sécurité de leur sanctuaire.

Tiré de L'Extase de sainte Britney


Francesca Pessarelli, mars 2022 

 




Artistes de l'exposition :
Anna Cone
Ali Hval
Yvette Mayorga
Rachael Tarravechia


Informations Pratiques

Ceysson & Bénétière
956 Madison Avenue
10021 New York


T: +1 646 678 3717